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puissant logicien, incomparable hérault et champion superbe, M. de Maistre, dans son livre du Pape, justifie, prépare et annonce la prochaine constitution de l’Église. — Pied à pied, l’assentiment de la communauté catholique est acquis ou conquis[1] ; aux approches de 1870, il est presque universel ; après 1870, il l’est tout à fait et ne peut pas ne pas l’être ; quiconque refuse de se soumettre est exclu de la communauté et s’en exclut lui-même ; car il nie un dogme qu’elle professe, un dogme révélé, l’article de foi qui vient d’être décrété par le pape et le concile. Dorénavant, aux yeux de tout homme qui est et veut rester catholique, le pape, dans sa chaire magistrale, est infaillible ; quand il prononce sur la foi ou sur les mœurs, Jésus-Christ lui-même parle par sa bouche, et ses définitions doctrinales sont « irréformables ; » « elles le sont d’elles-mêmes, à elles seules, par leur propre vertu, et non pas en vertu du consentement de l’Église[2]. » Par la même raison, son autorité est absolue, « non-seulement dans les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais encore dans les choses qui concernent la discipline et le gouvernement de l’Église[3]. » En toute affaire ecclésiastique, on peut recourir à son jugement ; il n’est permis à personne de juger sa sentence ; « il n’est permis à personne d’en appeler au futur concile œcuménique[4]. » Il n’a pas seulement « une primauté d’honneur, un office d’inspection et de direction ; il possède encore la primauté de juridiction, un plein et suprême pouvoir de juridiction sur l’Église universelle.., » « la plénitude totale du pouvoir suprême, »

  1. Émile Ollivier, ibid., I, 315-319. (Déclarations des conciles provinciaux de France et des conciles nationaux et provinciaux à l’étranger avant 1870.) — Cf. M. de Montalembert, des Intérêts catholiques, 1852, ch. II et VI. « La doctrine ultramontaine est la seule vraie. Les idées du grand comte de Maistre dans son traité sur le pape sont devenues des lieux-communs pour toute la jeunesse catholique. » — Lettre de M. Guibert, 22 février 1853. Le gallicanisme n’existe plus. » — Diary in France, by Christ Wordworth, D. D., 1845. « Il n’y a pas deux évêques en France qui ne soient ultramontains, c’est-à-dire dévoués aux intérêts du siège romain. »
  2. Constitutio dogmatica prima de ecclesia Christi, 18 juillet 1870. « Ejusmodi romani pontificia definitiones ex sese, non ex consensu Ecclosiœ irreformabiles esse. » (ch. IV.)
  3. Ibid., ch. III. « Si quis dixerit romanum pontificem habere tantunimodo officium inspectionis vel directionis, non autem plenam et supremam potestatem juridictionis in universam Ecclesiam, non solum in rebus quæ ad fidem et mores, sed etiam in iis quæ ad disciplinam et regimen Ecclesiæ per totum orbem diffusæ pertinent ; aut etiam habere tantum potiores partes, non vero totam plenitudinem hujus supremæ potestatis, aut hanc ejus potestatem non esse ordinariam et immediatam… »
  4. Ibid., ch. III. « Aberrant a recto veritatis tramite qui affirmant licere ab judiciis Romanorum pontificum ad œcumenicum concilium, tanquam ad auctoritatem romano pontifice superiorem, appellare. »