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des réfractaires, des indociles et des indépendans, rigoristes ou relâchés, les uns, jansénistes consciencieux, constitutionnels endurcis et sectaires de la « Petite Église, » les autres, demi-philosophes, tolérans et libéraux, les uns et les autres héritiers de convictions trop étroites ou d’opinions trop larges pour subsister et se propager dans le milieu qui s’établit[1]. Ils meurent, un à un, et leurs doctrines tombent dans le discrédit, puis dans l’oubli ; un nouvel esprit anime le nouveau clergé, et, dès 1808, Napoléon en fait la remarque : « Il ne se plaint pas de l’ancien, et même il en est assez content ; mais, dit-il, on élève les nouveaux prêtres dans une doctrine sombre, fanatique : il n’y a rien de gallican dans le jeune clergé[2], » aucune sympathie pour le pouvoir civil. Après Napoléon, et au sortir de ses terribles mains, les catholiques ont de bonnes raisons pour répugner à sa théologie ; elle a conduit en prison trop de catholiques, les plus éminens en dignité, en sainteté, évêques et cardinaux, y compris le pape ; les maximes gallicanes sont déshonorées par l’usage que Napoléon en a fait. Insensiblement, dans l’enseignement et dans les séminaires, le droit canon aboutit à des conclusions inattendues ; les textes et argumens contraires à l’autorité du pape semblent de plus en plus faibles[3] ; les textes et argumens favorables à l’autorité du pape paraissent de plus en plus forts ; les docteurs auxquels on défère ne sont plus Gerson et Bossuet, mais Bellarmin et Suarez ; on découvre des nullités dans les décrets du concile de Constance ; il se trouve que la Déclaration faite en 1682 par le clergé de France contient des erreurs condamnables et condamnées[4]. Dès 1819, un

  1. Cf. les Mémoires de l’abbé Babou, évêque nommé de Séez, sur les difficultés d’un évêque trop gallican et sur la malveillance qu’il rencontre dans l’aristocratie locale de son diocèse.
  2. On trouvera les deux systèmes exposés avec une impartialité et une précision rares dans l’Église et l’État au concile du Vatican, par Émile Ollivier, I, chap. II et III.
  3. Mémorial, 31 juillet 1816.
  4. Bercastel et Henrion, XIII, p. 14. (Lettre de M. d’Aviau, archevêque de Bordeaux, 28 octobre 1815.) « Cette fameuse déclaration de 1682, depuis plus de cent trente ans, douze papes consécutifs ne cessent de l’improuver. »