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Car, selon la doctrine catholique, hors de l’Église romaine, point de salut ; y entrer, y rester, y être conduit par elle, est le suprême intérêt et le premier devoir de l’homme ; elle est le guide unique, infaillible ; tous les actes qu’elle réprouve sont coupables, et non pas seulement les actes privés, mais aussi les actes publics ; comme particulier, le souverain qui les commet peut être catholique de profession et même fidèle de cœur ; mais, comme gouvernant, il est infidèle, il a perdu son caractère semi-ecclésiastique, il a cessé d’être « l’évêque extérieur, » il est indigne de commander à des clercs. Désormais, la conscience chrétienne ne s’incline plus devant lui avec amour et respect ; il ne reste, pour le supporter, que la prudence sociale ; encore est-ce avec résignation, parce que l’Église ordonne d’obéir aux puissances, et la même Église ordonne de ne pas obéir aux puissances, quand, abusant de leur force, elles empiètent sur ses droits.

Or, depuis dix ans, l’État n’a pas fait autre chose, et, au vieux Concordat qui n’était pas bon, il vient de substituer un Concordat pire. Cette nouvelle alliance, qu’il a conclue en 1802 avec l’Église, n’est pas un mariage religieux, le sacrement solennel par lequel, autrefois à Reims, elle et lui se promettaient de vivre ensemble et d’accord dans la même foi, mais un simple contrat civil, plus exactement, le règlement légal d’un divorce définitif et motivé. — Dans un accès de despotisme, l’État a dépouillé l’Église de ses biens et l’a poussée hors du logis, sans habits ni pain, pour mendier sur les grandes routes ; ensuite, dans un accès de folie furieuse, il a voulu la tuer, et même il l’a étranglée à demi. Revenu à la raison, mais ayant cessé d’être catholique, il lui a fait souscrire un pacte auquel elle répugne et qui a réduit leur union morale à une cohabitation physique. Bon gré mal gré, les deux contractans continueront à loger dans la même maison, puisqu’ils n’en ont qu’une ; mais, comme leurs humeurs sont incompatibles, ils feront sagement de vivre chacun à part. A cet effet, l’État assigne à l’Église un petit appartement distinct et lui sert une maigre pension alimentaire ; après quoi, il s’imagine qu’envers elle il est quitte ; bien pis, il se figure qu’elle est toujours sa sujette, il prétend à la même autorité sur elle ; il veut conserver tous les droits que lui conférait l’ancien mariage ; il les exerce et il y ajoute. Cependant il admet dans le même logis trois autres Églises qu’il soumet au même régime : cela lui fait quatre commensales qu’il héberge, qu’il surveille, qu’il contient et qu’il utilise, de son mieux, au profit temporel de la maison. Rien de plus odieux à l’Église catholique que cette polygamie affichée et pratiquée, cette subvention accordée indifféremment à tous les cultes, ce