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de relever avec vivacité et dont elle s’est fait une arme contre le ministre de l’intérieur qui est toujours le grand électeur. Il n’y a eu, à ce qu’il semble, rien de bien sérieux, rien qui altère la sincérité de cette récente manifestation du peuple espagnol. En définitive, ce parlement du suffrage universel, tel qu’il reste après la vérification des pouvoirs, tel qu’il apparaît, répond à peu près à la situation de l’Espagne. Il compte une majorité considérable pour le ministère, une opposition libérale assez forte dirigée par M. Sagasta, un groupe assez serré de républicains et quelques carlistes par surcroît. Aujourd’hui, on est sorti de ces préliminaires de révisions des pouvoirs qui embarrassent souvent les assemblées nouvelles. Le sénat a voté le premier sa réponse au discours par lequel la reine régente a inauguré la session. Le congrès lui-même a fini par se constituer en nommant pour son président un éminent conservateur, M. Alejandro Pidal, et à son tour il est prêt maintenant à entrer dans la discussion de son adresse. Les grands débats vont commencer entre les partis sur la politique de l’Espagne.

A première vue, sans doute, le ministère présidé par M. Canovas del Castillo reste dans la meilleure position. Il a traversé avec succès la crise des élections, il a une majorité assurée dans les chambres. Malheureusement en Espagne comme partout, on n’est pas longtemps au repos, la vie publique est un combat perpétuel. Les difficultés renaissent et se succèdent incessamment. Elles sont de plus d’une sorte pour le ministère espagnol ; elles sont dans toutes ces questions économiques, sociales qui sont devenues une obsession au-delà des Pyrénées aussi bien que dans toute l’Europe, qui assiègent et préoccupent les gouvernemens, — et elles sont aussi dans les propagandes révolutionnaires des partis hostiles, dans l’agitation que les républicains s’efforcent d’entretenir contre les institutions mêmes, en toute occasion. A peine est-on sorti de la crise des élections politiques, on se retrouve en face des élections municipales qui vont se faire dans quelques jours, et d’après toutes les apparences les républicains se disposent à organiser une campagne nouvelle, à chercher une revanche dans ce nouveau scrutin. Une des causes des succès du gouvernement dans les dernières élections politiques, à n’en pas douter, a été la division des oppositions qu’il rencontrait devant lui, qui le combattaient. Non-seulement M. Sagasta, par un sentiment de prévoyance ou de loyalisme dynastique, s’était refusé à toute alliance avec les républicains dans la lutte électorale ; mais parmi les républicains eux-mêmes, entre les fédéralistes, les socialistes, les possibilistes, les amis de M. Ruiz-Zorrilla, les amis de M. Castelar les plus vifs dissentimens ont éclaté. On n’avait pas pu s’entendre ! Aujourd’hui, les républicains de toutes les nuances paraissent s’être ravisés et vouloir faire trêve à leurs divisions intestines. Des négociations ont rapproché ces frères ennemis ; M.