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de grèves générales, une menace de suspension pour toutes les industries.

Oui, certes, ces mouvemens ont une signification profonde, une gravité redoutable, et par les confusions qu’ils révèlent, et par les forces qu’ils déchaînent, et par les problèmes de toute sorte qu’ils soulèvent. On ne peut cesser de le dire, que les gouvernemens, les assemblées, tous les pouvoirs mettent leurs soins à régulariser et à relever les conditions du travail, à améliorer le bien-être des populations ouvrières, sans faire pourtant de l’État l’arbitre universel, le bienfaiteur universel, rien de mieux. Le danger est dans cette apparence d’insurrection organisée et constituée que prend de plus en plus ce mouvement d’aujourd’hui, dans les passions qui le compliquent et le dénaturent, dans les chimères qui se mêlent aux vœux les plus légitimes. Le danger serait encore plus, pour tous les pouvoirs, de laisser aller les choses, de ne pas préciser résolument ce qui est possible, de paraître flatter ou encourager des espérances et des utopies pour lesquelles on ne peut rien. Comment, par exemple, fera-t-on passer dans la pratique cet article du programme des revendications ouvrières qui est le grand mot d’ordre, la journée de huit heures ? Comment imposera-t-on la journée de huit heures ? Est-ce qu’elle est également applicable dans tous les pays et dans toutes les industries, particulièrement dans le travail rural ? Est-ce que de plus on se flatte d’arriver aisément à réaliser cette chimère d’une limitation internationale et égale des heures de travail pour des populations placées dans des conditions morales et matérielles si différentes ? Ce sont là les questions complexes, délicates, qu’on va rencontrer dès les premiers pas, dès que se rouvriront les discussions sur ces réformes ouvrières qui sont à l’ordre du jour, et sur lesquelles nos chambres sont obligées d’avoir une opinion nette, décisive, ne fût-ce que pour dissiper les obscurités et pour garantir la sécurité du travail.

Tout se tient d’ailleurs aujourd’hui, et les intérêts du travail national, de la prospérité nationale, ne sont pas moins engagés dans ces affaires douanières qui restent à régler. A peine les chambres françaises sont-elles revenues, on s’est mis à l’œuvre au Palais-Bourbon. Le débat s’est ouvert sur ce nouveau code des tarifs, que la commission des douanes a préparé et qui, s’il était adopté, ne serait rien moins qu’une révolution économique des plus graves, par la substitution d’un protectionnisme à outrance à un régime de tarifs modérés. On n’en est encore qu’aux préliminaires, aux premiers discours, et, dès ce moment, il faut bien que nos députés se disent que ce qu’ils vont décider, ce qu’ils vont voter peut avoir une influence heureuse ou désastreuse, et sur notre situation économique intérieure, et sur les relations commerciales de la France avec le monde entier. Quelques