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prêtre pour l’administration des sacremens : « Cette fixation[1] est une opération purement civile et temporelle, puisqu’elle se résout en une levée de deniers sur les citoyens ; les évêques et les prêtres ne pourraient s’en arroger la faculté ; le gouvernement seul doit demeurer arbitre entre le prêtre qui reçoit et le particulier qui paie. » Tantôt il intervient dans la publication d’une indulgence plénière : « Il importe[2] que des indulgences ne soient pas accordées pour des causes qui seraient contraires à la tranquillité publique ou au bien de la patrie ; le magistrat politique est également intéressé à connaître quelle est l’autorité qui accorde ces indulgences, si elle a titre pour agir légalement, à quelles personnes les indulgences sont accordées, quelles personnes sont chargées de les distribuer, quelles personnes fixeront le terme et la durée des prières extraordinaires. » — Ainsi enlacée et serrée par l’État, l’Eglise n’est plus qu’un de ses appendices ; car les racines indépendantes et propres par lesquelles, dans cet embrassement étroit, elle végétait encore et se maintenait debout, ont été coupées toutes ; arrachée du sol et greffée sur l’État, ce sont maintenant les pouvoirs civils qui lui prêtent leur sève et leurs racines. Avant 1789, le clergé était dans la société temporelle un ordre distinct et le premier de tous, un corps exempt d’impôt et propriétaire, un contribuable à part, qui, représenté par des assemblées périodiques, traitait tous les cinq ans avec le prince, lui accordait des subsides, et, en échange de ce « don gratuit, » se faisait concéder ou confirmer des immunités, prérogatives et faveurs ; aujourd’hui, il n’est plus qu’une collection de particuliers et sujets ordinaires, moins que cela, un personnel administratif analogue à celui de l’université, de la magistrature, des finances et des eaux et forêts, encore plus surveillé et plus bridé, avec des précautions plus minutieuses, par des interdictions plus strictes. Avant 1789, les curés et autres titulaires du second ordre étaient, pour la plupart, choisis et installés sans l’intervention du prince, tantôt par l’évêque du diocèse ou l’abbé du voisinage, tantôt par des collateurs indépendans, par le titulaire[3], par un patron laïque, par un chapitre, par une commune, par un indultaire, par le pape, et le traitement de chaque titulaire, grand ou petit, était sa propriété privée, le produit annuel d’une terre ou créance

  1. Discours, rapports, etc., par Portalis, p. 101.
  2. Ibid., p. 378.
  3. L’abbé Sicard, les Dispensateurs des bénéfices ecclésiastiques (dans le Correspondant du 10 septembre 1889, p. 883). Un bénéfice était alors une sorte de patrimoine que le titulaire, vieux ou malade, résignait souvent à quelqu’un de ses parens : « Un canoniale du XVIIIe siècle dit que la résignation emportait le tiers des bénéfices. »