Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secondaire ancien ; ou si ce ne sera que dans quelques-uns seulement ; ou si quelques établissemens, comme aujourd’hui le lycée Charlemagne et quelques lycées de province, continueront à les donner tous deux concurremment. Je ne rechercherai pas même quelle part proportionnelle on attribuera dans les nouveaux programmes, combien d’heures par semaine, à l’enseignement de la langue et de la littérature françaises, combien aux langues étrangères, combien à l’histoire, aux sciences, à la philosophie. Ces questions viendront en leur temps. Mais pour résoudre les difficultés, il faut, selon le conseil de Descartes, commencer par les diviser, et c’est pourquoi je ne parlerai que de l’organisation de l’enseignement de la langue et de la littérature françaises. Pour répondre aux exigences qui sont celles de tout enseignement secondaire ; pour retenir quelque chose des vertus éducatrices que nous persistons à croire qui sont celles du latin ; pour être vraiment digne enfin, tout en devenant purement français, de garder le nom de classique, quel doit donc être cet enseignement ? Nous n’aurions pas rendu peut-être, si nous réussissions à le dire, un médiocre service, ni surtout si nous le disions avec assez de clarté pour qu’un programme d’études s’en dégageât nettement.

Les exigences ou les conditions d’un enseignement secondaire purement français, et cependant classique, semblent être au nombre de trois. En premier lieu, il faut qu’on prenne garde à n’en pas éliminer cette nécessité de l’effort, sans laquelle, tout ce que l’on croit apprendre, on ne le retient guère, ou plutôt on le laisse échapper à mesure qu’on l’apprend. Il faut, en second lieu, que les textes qui serviront de base, pour ainsi dire, et de matière perpétuelle à cet enseignement, soient, quant au fond, comme ces textes latins qu’il s’agira pour eux de remplacer, les plus généraux qu’il se puisse, les plus impersonnels, les plus humains, et quant à la forme, les plus clairs, les plus achevés, les plus voisins de la perfection de leur genre ou de celle de la langue. Et il faut enfin, puisque cette langue est toujours vivante, cette littérature toujours féconde, il faut que, dans un temps comme le nôtre, où la méthode historique a tout renouvelé, jusqu’à l’enseignement même des sciences, l’enseignement de la littérature ne soit pas donné au rebours de l’histoire et de la chronologie. Voyons comment on pourra concilier ce que ces exigences, toutes les trois nécessaires, offrent d’abord de contradictoire.

La première n’est sans doute pas la moins importante. Sous le prétexte, en effet, de nous proportionner à l’intelligence de l’enfant, — et aux besoins de l’agriculture ou de l’industrie, — si nous lui mettons des textes entre les mains qu’il entende aussi couramment que le feuilleton du Petit Journal ou les faits divers du Figaro, je ne dis rien des idées bizarres, incohérentes, et tumultuaires dont nous