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sessions législatives ; mes conciles eussent été les représentations de la chrétienté, les papes n’en eussent été que les présidens ; j’aurais ouvert et clos ces assemblées, approuvé et publié leurs décrets, comme avaient fait Constantin et Charlemagne. » Dès 1809, la restauration du grand édifice carlovingien et romain avait commencé ; les londoniens physiques en étaient posés. En vertu d’un décret[1], « les dépenses du Sacré Collège et de la Propagande étaient déclarées impériales. » On constituait au pape, comme aux maréchaux et aux nouveaux ducs, une dotation foncière en biens sis dans les différentes parties de l’empire, deux millions de revenus ruraux francs de toute imposition. Il devait avoir « nécessairement » deux palais, l’un à Paris et l’autre à Rome. A Paris, son installation était presque complète ; il n’y manquait plus que sa personne ; en deux heures, arrivant de Fontainebleau, il aurait trouvé en place et sous sa main tous les instrumens de son office : « Tous les papiers[2] des missions et archives de Rome y étaient déjà » transportés ; « le local entier de l’Hôtel-Dieu était consacré aux établissemens de la cour de Rome. Le quartier de Notre-Dame et de l’île de Saint-Louis devait être le chef-lieu de la chrétienté ! » Déjà Rome, le second chef-lieu de la chrétienté et la seconde résidence du pape, est déclarée[3] « ville impériale et libre, seconde ville de l’empire ; » un prince du sang ou un grand dignitaire doit y résider et y « tenir la cour de l’empereur. » « Après avoir été couronnés dans l’église Notre-Dame de Paris, les empereurs viendront en Italie avant la dixième année de leur règne, et seront « couronnés dans l’église Saint-Pierre de Rome. » L’héritier du trône impérial « portera le titre et recevra les honneurs de roi de Rome. » Notez les portions solides de cette construction chimérique : bien plus Italien que Français, Italien de race, d’instinct, d’imagination, de souvenirs, Napoléon fait entrer l’avenir de sa première patrie dans son plan ; et, si l’on établit le compte final de son règne, tout le bénéfice net est pour l’Italie, comme toute la perte sèche est pour la France. « Napoléon voulait recréer[4] la patrie italienne, réunir les Piémontais, les Toscans, etc., en une seule nation indépendante, bornée par les Alpes et les mers… C’était

  1. Sénatus-consulte du 17 février 1810.
  2. Notes de Napoléon sur les Quatre concordats de M. de Pradt. (Correspondance, XXX, 550.) Lanfrey, Histoire de Napoléon, V, 214. (Avec les archives du Vatican, on avait apporté à Paris la tiare, un exemplaire saisi de l’anneau du pêcheur, et tous les autres insignes ou ornemens de la dignité pontificale.)
  3. Sénatus-consulte du 17 février 1810.
  4. Notes de Napoléon sur les Quatre concordats de M. de Pradt. (Correspondance, XXX, 548.)