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modernes et les Slaves russes d’après la Germania de Tacite et la Chronique de Nestor.

Le caractère est ce qui change peut-être le moins dans une race ; ainsi, chez les Français de la troisième république, on peut encore retrouver tel trait des Gaulois de Vercingétorix. Si ce n’est par le génie et l’intelligence, est-ce par le caractère et le tempérament que le Sémite, juif ou non, se distingue essentiellement de nous ? Peut-être davantage ; nous verrons, prochainement, comment et pourquoi, au moins chez le juif. C’est ici, d’habitude, que les ethnologues de rencontre se donnent carrière, opposant les vices du « Sémite » aux vertus de « l’Aryen. » On représente l’un comme âpre au gain, cupide, sec de cœur, bas, astucieux, servile, vindicatif, coutumier de toutes les lâchetés et de toutes les faussetés ; — l’autre comme généreux, ouvert, fier, chevaleresque, désintéressé et délicat, ayant toutes les noblesses et toutes les candeurs.

Je me défie, pour ma part, de ces portraits à grands coups de brosse, où tout est en noir d’un côté, où tout est en clair de l’autre ; ce n’est pas avec un procédé aussi simple qu’on peut nous peindre de vieilles races embrassant vingt nations diverses. Je voudrais quelque chose de plus fondu et de plus nuancé. Le Romain, par exemple, n’était guère moins sec, moins dur, moins âpre que le Carthaginois ; et l’image qu’on nous donne du Sémite conviendrait souvent tout autant au Grec moderne, à l’Arménien, au Parsi, qui passent pour Aryens, qu’au juif, classé comme Sémite. « Le caractère sémitique, a dit M. Renan, est en général dur, étroit, égoïste. » Cela peut être vrai, — et non seulement de l’Arabe, — encore que, pour le juif, l’explication en soit plutôt dans l’éducation historique que dans la race. Car, si elle nous semble fréquente chez Israël, la sécheresse d’esprit ou de cœur, il est bon de nous le rappeler, est en grande partie imputable à l’existence que nous lui avons faite.

Il y a, en tout cas, une chose que nous perdons trop souvent de vue, et dont il nous est interdit de ne pas tenir compte. Quand nous parlons de la dureté, de l’étroitesse, de l’âpreté sémitiques, nous ne devons pas oublier que ce qu’il y a de plus doux, de plus délicat ; de plus suave sous le ciel, l’Évangile, est sorti des tribus sémitiques. Sur cette rocailleuse terre de Syrie a germé le lis des champs dont, après dix-neuf siècles, le parfum embaume encore le monde. Le plus beau mot des langues humaines, le mot de charité, est tombé de la bouche de ces fils de Sem. C’est par des Sémites qu’a été annoncée la bonne nouvelle ; c’est à des foules sémitiques, en dialecte sémitique, qu’a été prêché le Sermon sur la Montagne, et c’est par des Sémites, bravant la faim et la soif, que