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donnée habituelle de la comédie de harem avec sa princesse égarée sous des vêtemens serviles, puis reconnue au dénoûment pour la fiancée du roi, et la donnée constante de la comédie antique, la similitude est singulière ; elle l’est d’autant plus que ce genre d’histoires n’est pas particulièrement familier à la littérature narrative.

Aucun des rapprochemens n’est strictement démonstratif ; le nombre même n’en laisse pas que d’impressionner l’esprit. M. Windisch a méconnu les exactes limites du possible dans le genre d’imitation que l’on est en droit d’attendre. Je sais bien qu’il s’en défend, mais en fait, il raisonne comme si les poètes de l’Inde avaient imité d’une façon raisonnée et sur une étude réfléchie des œuvres occidentales. C’est faire tort à sa thèse. Il a voulu trop prouver. Je l’accorde volontiers à M. Lévi, s’il consent avoir lui-même un peu trop prouvé contre M. Windisch.

En présence de ces ressemblances, comment ne pas être frappé de ce nom de Yavanikâ, c’est-à-dire [étoffe] grecque, que porte dans l’Inde le rideau qui ferme la scène ? Les détails matériels sont les plus expressifs.

L’imitation chez les Hindous, il y faut insister, est toujours superficielle. En supposant qu’ils doivent quelque chose au théâtre de l’Occident, il ne peut être question que d’un éveil fait dans les esprits, soit par la vue accidentelle des spectacles étrangers, soit même indirectement par des comptes-rendus oraux.

Dans l’art, ce n’est pas au temps de la domination grecque que l’influence de l’Occident a été le plus manifeste ; c’est plus tard seulement, par l’intermédiaire de ces dynastes iraniens et scythiques qui l’ont supplantée. Le flot alangui de la civilisation classique venait, à travers l’empire parthe, mourir sur leurs frontières. Loin d’avoir été un obstacle au développement de la culture indienne, ces conquérans, malgré leur barbarie native, en ont été à plusieurs égards les promoteurs ; ils ont été mêlés à une période d’évolution féconde. Un type consacré par la théorie dramatique et qui apparaît très vivant dans le Chariot de terre, est le çakâra, beau-frère du roi, sorte de miles gloriosus arrogant, violent, vaniteux. Or très ingénieusement, M. Lévi rattache son nom au nom et à la domination de ces rois scythes, çakas. On nous a annoncé récemment la découverte à Mathourâ d’une inscription votive qui, évidemment, remonte à leur temps ; c’est une offrande faite par deux acteurs célèbres de Mathourâ. Cette ville était le centre de la domination indo-scythe. Le sens du mot çailâla qui y désigne les acteurs n’est pas parfaitement défini ; il peut s’appliquer à des danseurs et à des mimes ; mais au IIe ou au IIIe siècle, les représentations drama-