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Mritchhakati, — le Chariot de terre, — en est le modèle le plus parfait. Nous échappons ici à la monotonie d’un sujet stéréotypé. La variété des spectacles, le nombre des personnages, le mouvement que l’auteur a su leur donner, éveillent et soutiennent la curiosité. Ce n’est pas en quelques lignes qu’il est possible de donner une juste idée d’une œuvre si touffue.

La courtisane Vasantasenâ a dès longtemps distingué un brahmane, Tchâroudatta, que ses libéralités ont appauvri, mais que son caractère fait aimer de tous. Un jour, elle est poursuivie des assiduités brutales de Sansthânaka, le frère d’une des concubines du roi ; c’est précisément dans la maison du brahmane qu’elle trouve un refuge, à la grande colère du galant déçu. Elle y laisse, de peur de mauvaises rencontres, les bijoux dont elle est chargée, et Tchâroudatta la reconduit lui-même pour la protéger au besoin. Mais dans la nuit les bijoux sont volés. La femme de Tchâroudatta, jalouse du bon renom de son mari, n’hésite pas, pour les remplacer, à donner le dernier collier qui lui reste. Cependant le voleur n’est autre que Çarvilaka, un brahmane en quête de quelque aubaine pour racheter une femme de Vasantasenâ dont il est épris. Coup sur coup, Vasantasenâ reçoit ses propres bijoux que, sur le conseil de sa maîtresse, Çarvilaka lui remet comme s’il en était chargé par Tchâroudatta, et le collier que Tchâroudatta lui a réellement envoyé pour remplacer les joyaux qu’il a, dit-il, perdus au jeu. Elle sait tout, ayant surpris la conversation de Çarvilaka, elle feint de tout ignorer. Mais bientôt, plus éprise que jamais du brahmane, elle se rend chez lui ; toute la vérité se découvre, et la mutuelle passion des deux héros les a vite tendrement réunis. Installée chez Tchâroudatta, elle donne ses bijoux à son fils, le petit Rohasena, pour satisfaire le caprice de l’enfant qui veut, au lieu d’un chariot de terre, un beau chariot d’or.

Au moment d’aller au parc attendre le brahmane, elle se trompe de litière ; elle monte dans le palanquin de Sansthânaka. Justement, un berger du nom d’Aryaka, désigné par les astrologues comme le successeur du roi Pâlaka, et mis par précaution sous les verrous, vient de s’échapper ; il trouve vide la litière de Tchâroudatta et s’y réfugie. C’est lui que trouve le brahmane, au lieu de Vasantasenâ, quand la voiture s’arrête dans le parc. Il n’hésite pas à le sauver en lui permettant de poursuivre sa fuite. Quant à Vasantasenâ, en descendant, elle tombe sur Sansthânaka ; furieux de ses dédains, le brutal la frappe et la laisse pour morte sur la place. Devant le tribunal, il n’hésite point à accuser Tchâroudatta du meurtre ; le juge, trompé par une série de coïncidences fâcheuses pour le brahmane, finit par le condamner. Au mépris des privilèges les plus sacrés, le roi ordonne la mort de Tchâroudatta. Il est