sociale. Accueillie par les acclamations des délégués du parti, cette politique a été très diversement jugée au dehors. L’anarchiste Most, dans son journal la Freiheit, publié à Londres, accuse les chefs du parti de renier honteusement son caractère révolutionnaire, de l’avoir transformé depuis 1870 en un parti opportuniste… Au nom des libéraux allemands, M. Richter lire avantage de cette absence de programme, comme signe manifeste de l’impuissance du socialisme, « quand il est obligé de sortir du nuage de ses vagues promesses, et de nous donner une image de la vie et de la constitution de l’état futur. » La critique des maux présens est assurément plus aisée. Enfin des économistes favorables à la réforme sociale, M. Brentano, M. Adler, considèrent au contraire cette absence de programme comme un symptôme excellent. Voici, disent-ils, une ancienne secte révolutionnaire, qui en appelle maintenant à la lente évolution de l’avenir, qui se transforme dans la société actuelle en un parti poursuivant des réformes pratiques ne différant pas beaucoup du socialisme d’État, qui, tout en jetant le gant aux autres classes et à leurs représentans politiques, consent à travailler avec eux à ces réformes, qui organise les corps de métiers. Tout cela leur semble fort opposé aux doctrines extrêmes de la révolution sociale.
Mais c’est atteindre en quelque sorte les socialistes allemands dans leur honneur que de leur refuser le titre de révolutionnaires. Aussi ont-ils protesté énergiquement. Parce qu’ils font passer au premier plan l’agitation politique, pratique, parlementaire, et qu’ils répudient absolument l’anarchisme comme le pire ennemi du socialisme, il ne s’ensuit pas que le parti soit devenu possibiliste, c’est-à-dire bornant ses exigences à de simples réformes. Les marxistes sont aussi bien en querelle réglée avec le possibilisme qu’avec l’anarchisme. Le possibilisme est partout en décadence, en France depuis la mort de Joffrin, en Angleterre où les trade-unions viennent de donner, dans leur dernière assemblée, la majorité aux sectateurs de Marx. Le parti s’efforce en Allemagne d’éviter un double écueil : « ou bien ne faire que de la propagande de principes, et tomber dans la rhétorique radicale du prêcheur dans le désert : ou bien, s’emmarécager dans le possibilisme, en exagérant les petits progrès, et en niant le but final. »
Ce but final, nous venons de le voir, est la négation absolue et le renversement de tout l’ordre actuel. Parmi les chefs, les plus exaltés, tels que Bebel, le croient prochain ; les plus réfléchis, tels que Liebknecht, estiment qu’il faudra des siècles (disons des cycles) pour l’atteindre. Mais la réforme politique s’est bien effectuée, pourquoi la réforme sociale ne s’accomplirait-elle pas ? « Pense-t-on qu’après avoir détruit la féodalité et vaincu les rois, la