consommateur, et répartit ensuite les bénéfices entre tous les associés. Les cartels écartent ainsi la surproduction, les crises, les chômages, et par cette sorte de ligue, obligent toutes les usines de la même industrie, dans un même pays, à s’unir au cartel ou à disparaître. Or cette organisation des cartels, comme le remarquent M. Brentano[1], M. Raffalovich[2], ressemble d’une manière surprenante au règlement de la production réclamé par les démocrates socialistes et les socialistes d’État : elle témoigne qu’on peut se passer de la libre concurrence, sujet de querelle éternelle entre les socialistes et les économistes de l’école opposée. Un des points les plus importans du programme socialiste, « la réglementation de la production, » à laquelle ils prétendent arriver par voie d’autorité, se trouve accompli par le grand capital à son profit, et aux dépens des consommateurs. Il est vrai que les cartels, pour se former, et empêcher la concurrence étrangère, exigent le système protectionniste, contre lequel les socialistes ne cessent de protester. Ils demandent en outre d’énormes sacrifices, et, d’après M. Raffalovich, ils ont peu de chances de succès final : mais ils deviennent en Allemagne de plus en plus nombreux, 54 en 1888, 90 en 1889, 104 au commencement de 1891, en outre 9 cartels internationaux. « Ces cartels, lisons-nous dans le Vorwœrts, deviennent toujours plus forts, leur influence politique et économique ne cesse de s’accroître. Mais ils nous rapprochent d’autant plus du grand cartel, de la communauté de production socialiste. » A l’égard des travailleurs qu’ils emploient, les cartels ont l’avantage d’écarter pour eux les crises, les chômages. Mais ils exercent une telle puissance qu’un ouvrier congédié d’une usine ne trouve plus à entrer dans une autre. Cela même, d’après les socialistes, aura pour effet de contraindre la classe ouvrière à une discipline, à une solidarité plus étroites.
« Ces signes des temps, comme l’écrivait Marx dans sa préface du Capital, ne signifient pas que demain des miracles vont s’accomplir. Ils montrent que même dans les classes sociales régnantes, de pressentiment commence à poindre que la société actuelle, bien loin d’être un cristal solide, est un organisme susceptible de changement, toujours en voie de transformation. » Cette transformation, ajoutent les plus réfléchis, ne s’opérera pas du jour au lendemain ; d’après les modérés, elle pourra s’accomplir avec tous les égards possibles pour les intérêts privés, à moins que les classes dominantes, dans leur intérêt propre, ne cherchent à faire