susceptibles d’occuper, comme vins d’ordinaire, une place avantageuse.
Les spécialistes feront ressortir mieux que nous l’heureuse influence que d’immenses plantiers peuvent exercer à la longue sur le climat du littoral, climat médiocrement sain par lui-même, dans le voisinage immédiat des étangs. Conformément aux théories de M. Lenthéric, les côtes du golfe du Lion, très salubres dans l’antiquité, devinrent malsaines au début de l’époque moderne et, depuis quelques années, paraissent tendre à se purifier par assèchement. Il est certain que le travail de l’homme secondera puissamment à cet égard l’œuvre de la nature.
En se plaçant à un point de vue tout différent, les grands domaines rendront service, comme champs d’expérience, aux viticulteurs d’un rang plus modeste. Puisque ceux-là disposent de capitaux considérables, ils sont en mesure, le cas échéant, de tenter, sans courir beaucoup de risques, des méthodes nouvelles ou de réaliser des perfectionnemens dont les derniers profiteront ensuite. Déjà, plus d’un vieux préjugé a été dissipé, plus d’un vieil abus déraciné, grâce à l’exemple des exploitations de premier ordre.
Il est évident que l’ouvrier agricole, quoiqu’il y soit traité avec sollicitude au point de vue physique, se trouve moins bien du séjour de ces vastes caravansérails que de celui d’une ferme ordinaire. Son sort, au fond, est bien préférable cependant à la destinée d’un ouvrier de fabrique ; il reste travailleur de terre, et rien même ne l’empêche, une fois son petit pécule amassé, d’entreprendre, dans des conditions plus agréables, le métier de viticulteur soit pour le compte d’autrui, soit pour le sien propre. Au sein des grandes fermes, employant dix, quinze ou vingt valets, il règne et doit régner une stricte discipline dont l’esprit d’indépendance de plus d’un Méridional ne saurait s’accommoder. On est obligé de compenser cet inconvénient en offrant des gages plus élevés. Inversement, plus d’un jeune homme se résignera à gagner un salaire quelque peu inférieur en se louant dans une exploitation de second ordre où le régime est plus paternel et où l’initiative individuelle trouve encore à s’exercer un peu.
Dans le Bas-Languedoc, rarement les valets de ferme sont des enfans du pays ; le manque de bras oblige les propriétaires à recruter leur personnel au moyen d’émigrans descendus des hautes vallées cévenoles ou du département de l’Aveyron[1]. Il se produit
- ↑ A parité de mérite, de vigueur ou d’intelligence, on choisit toujours le valet né sur le versant méditerranéen, de préférence au campagnard de Millau ou de Mende. Ces derniers, en effet, accoutumés à conduire des attelages de bœufs, ne dirigent qu’imparfaitement les lourdes charrettes languedociennes traînées par des mules.