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resserré entre la mer et l’étang de Thau, et diminué encore de tout l’espace occupé par quelques affleuremens d’argile, a réduit à peu de chose la largeur cultivable.

Tout le monde connaît l’influence néfaste des embruns salés sur la végétation en général. A Villeroy, les feuilles des souches se trouvent prises, non pas entre deux feux, mais, s’il est permis de s’exprimer ainsi, entre deux eaux. Malgré leur état prospère, on constate sans peine que les vents saturés de particules salines contribuent à dessécher les feuilles. Comme l’influence de la Méditerranée, en pareil cas, l’emporte et de beaucoup sur celle que peut produire l’étang, on conçoit aisément l’explication d’un fait qu’un observateur superficiel discerne à première vue : toutes les souches se développent avec vigueur du côté qui fait face à l’intérieur des terres et se flétrissent plus ou moins dans la direction de la mer. Les vignes abritées par des claies de roseaux échappent à cette règle et présentent un aspect plus verdoyant ; mais comme, en dehors de la simple apparence extérieure, le mal n’entraîne aucune conséquence fâcheuse au point de vue du rendement, il ne semble pas qu’on doive se livrer à des tentatives coûteuses en vue de prévenir un inconvénient plus apparent que réel.

L’aspect général de ce vignoble, créé à grands frais par l’industrie moderne, ne mérite pas l’honneur d’une description bien fouillée. Nous avouons de bonne foi que l’absence de pittoresque et la vulgarité extérieure caractérisent au premier chef les plantiers sans fin qu’on submerge à Marsillargues chaque année. Seule, la riche végétation arborescente que le soleil du midi développe sur les berges des canaux repose de temps à autre l’œil saturé de la monotone verdure des vignes. Près de Mauguio, l’uniformité s’accroît encore : la sécheresse du sol, et plus encore la haine implacable des régisseurs à l’égard des arbres, n’épargnent rien, en dehors de rares amandiers, d’oliviers chétifs et de quelques platanes étiques. A Villeroy, l’impression est tout autre : l’observateur qui foule aux pieds le sable des sentiers tracés entre les longues files de souches contemple un paysage d’une laideur singulière et bizarre. Toute ombre, toute fraîcheur sont absentes, cela va sans dire ; en dehors des plantes spéciales aux terrains salés, à peine, de temps à autre, un pin rabougri. La montagne de Cette se dresse devant lui, stérile et nue, couverte de poudreuses « baraquettes. » Mais, en revanche, les Ilots bleus de la Méditerranée étincellent gaîment au soleil ; les voiles blanches des barques de pêcheurs se détachent sur l’étang de Thau, et, de temps à autre, un train de la compagnie du Midi, roulant à toute vapeur, contribue à ranimer un peu le tableau.