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les sables, et notamment la compagnie des Salins du Midi[1], dans ses deux grandes exploitations de Jarras, à l’est d’Aigues-Mortes, et de Villeroy, près de Cette, ont suivi d’autres erremens et ont organisé plan tiers et celliers en vue de produire du vin blanc[2]. On arriverait au but désiré en prenant des raisins noirs dont on ferait fermenter le jus en l’absence des peaux et du marc ; le jacquez lui-même, convenablement traité, peut fournir un vin assez clair pour passer pour blanc, rappelant un peu « le vin d’une nuit, » si apprécié autrefois dans le Bas-Languedoc. Mais dans le commerce, on exige une décoloration plus parfaite ; aussi le vin blanc des sables est-il obtenu presque toujours au moyen de deux espèces : le « picpoul » et le « terret-bourret. »

Lorsque le mildew épargne la première des deux variétés, la compagnie des Salins est assurée d’une récolte abondante et d’excellente qualité, mais cela n’arrive pas toujours. Le terret-bourret, comme le picpoul, est un vieux cépage languedocien ; il servait autrefois à produire des vins de chaudière. Depuis le phylloxéra et depuis l’invasion des maladies cryptogamiques, il ne se cultive guère plus sur les coteaux, même dans les terroirs où il était commun, parce qu’il fournit un vin rouge de couleur très pâle. La teinte lilas de ses gros fruits le classe dans un rang à part, entre les raisins noirs et les raisins blancs proprement dits, et il peut sans difficulté remplir le rôle des derniers.

Nous n’aurons garde de nous lancer dans une description technique et circonstanciée de l’une des deux usines à vins blancs qu’a organisées la compagnie des Salins. Cependant, nous serions incomplets si nous ne tentions pas, du moins, de faire ressortir quelques traits curieux, spéciaux au domaine de Villeroy, près des salins du même nom, à quelques kilomètres au sud-ouest de Cette. Une interminable série de vignes accompagne, sur une longueur de neuf kilomètres environ, la voie ferrée de Bordeaux à Cette ; il serait difficile, croyons-nous, de trouver en France un second vignoble aussi long ; mais, par compensation, l’étroitesse de l’isthme,

  1. Le domaine de Villeroy appartient depuis 1881 à la Société des Salins du Midi, qui a succédé à la compagnie des Salins de Cette. Les premiers défrichemens datent de 1882. Quant au cellier dont nous ferons bientôt une courte description, il reçoit les produits de 263 hectares de vignobles, dont 75 pour l’exploitation de Villeroy et 188 pour celle dite du Castellas. Près de la gare des Onglous s’élève un autre cellier, celui du Clavelet, auquel se rattachent 57 hectares.
  2. Un honorable industriel marseillais, M. Noilly-Prat, fabricant de vermout, exploite à Montcalm, non loin de l’étang du Scamandre, au sud de Vauvort, un vaste vignoble de plusieurs centaines d’hectares dont les produits consistent uniquement en vins blancs destinée à former la base de ses liqueurs.