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peut tout compromettre, dans ces terrains si proches de la mer, en provoquant l’ascension, vers la surface, des matières salines imprégnant le sous-sol[1]. Aussi est-il imprudent de planter de la vigne dans des terrains d’altitude trop faible, et l’expérience a montré que pour réussir à la cultiver en sûreté, dans des circonstances pluviométriques défavorables, une cote superficielle minima d’un mètre s’imposait nécessairement. Même dans de semblables circonstances, il faut, pour empêcher le sel de nuire aux souches, se résigner, après chaque façon, à recouvrir la terre d’une couche de roseaux ou de joncs. On conçoit que cette précaution, pour être indispensable, n’est pas à bon marché. Sans la protection de la couche d’appaillage, les vents produiraient bien vite, du reste, sur ce sol mobile à l’excès, de fâcheuses dénivellations. On a également essayé de protéger un peu contre les vents les jeunes souches, au moyen de claies de roseaux verticales et convenablement orientées.

A force de soins, on obtient, avec les vignes plantées dans les sables littoraux, de jolis rendemens en quantité : une récolte de 100 hectolitres par unité n’a rien de bien extraordinaire et peut être doublée dans des circonstances favorables. Quelques propriétaires ont surtout planté en vue de produire des vins rouges ; ils se sont adressés à dos cépages avec lesquels nous avons déjà fait connaissance : l’aramon, la carignane, le petit-Bouschet. Mais ici l’ordre de préférence que la pratique a fait adopter n’est plus le même. On trouve l’aramon trop gourmand, trop difficile sur le choix du terrain ; sans le proscrire tout à fait, on lui préfère le petit-Bouschet ou même la carignane, malgré sa déplorable faiblesse à supporter les assauts du mildew.

Est-ce à l’abondance de la silice que renferment les dunes méditerranéennes, que les vins récoltés sur les sables doivent leurs bonnes qualités ? Le fait est probable. Sans pratiquer une sélection exagérée, on peut arriver à obtenir, dans des années ordinaires, de véritables produits de choix susceptibles de rivaliser avec les crus de coteaux du pays. Ces liquides, très supérieurs aux vins des bords du Vidourle, meilleurs souvent que ceux de la plaine de Montpellier, ne manquent ni d’alcool, ni de bouquet, et sans avoir besoin d’être coupés, constituent une boisson assez agréable pour pouvoir être consommée sur les meilleures tables.

Néanmoins, la plupart des propriétaires viticulteurs qui ont utilisé

  1. Il est probable que des accidens de cette nature, qu’on ne savait autrefois ni prévoir ni empêcher, ont dû souvent ruiner les anciens plantiers des sables. A la suite de pareils insuccès s’était formé le préjugé relatif à l’infertilité des sables.