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terres d’alluvion, les mauvaises herbes, même au cœur de l’été, croissent avec une facilité déplorable.

Pratiquée avec des eaux par trop pures et claires, l’inondation aurait pour effet de laver le sol en lui dérobant, sans compensation, tous ses principes actifs. On n’ignore pas qu’au contraire les flots limoneux de la Garonne, loin d’appauvrir les terres des vignobles submergés près de Bordeaux, déposent chaque hiver une couche alluviale dont l’effet est très utile. D’une nature intermédiaire entre les deux types extrêmes, les eaux du Vidourle n’enlèvent rien aux terrains de Marsillargues, mais ne les enrichissent pas beaucoup. Aussi est-il indispensable, comme corollaire de l’inondation, de fumer copieusement tous les deux ans.

Choisissons l’exemple d’un domaine comprenant 60 hectares de vignes et 90 hectares environ en prairies naturelles ou dépaissances, dans lequel on ne recourt pas aux engrais chimiques. Le propriétaire emploie exclusivement le fumier de sa ferme, fourni d’abord par l’écurie des mules, au nombre de dix, attachées à l’exploitation, puis par une bergerie comportant un troupeau de 180 brebis, et enfin par une « manade, » ou troupe de chevaux camargues. Ces animaux vivent, pendant le jour, en demi-liberté, sans être assujettis à aucun travail de charroi, ni de labour ; leurs forces ne le leur permettraient pas ; la nuit, ils sont parqués dans une étable.

On voit, d’après les chiffres précédens, qu’à chaque tête de mule correspondent 6 hectares de vignes. Aussi, la propriété de Tamariguière, voisine de celle dont il a été question, mais plus considérable et englobant 180 hectares plantés, n’occupera pas moins de 30 chevaux ou mules, un véritable peloton de cavalerie. Seulement, les terrains de dépaissances y étant médiocres et peu étendus, le domaine ne peut nourrir ni de bêtes à laine, ni de chevaux camargues. L’emploi des chiffons alternés avec les fumiers d’écuries supplée à l’insuffisance de ces derniers.

Le personnel attaché à toutes les exploitations languedociennes peut être divisé en trois catégories : celle des employés à demeure, celle des journaliers à l’année, enfin, la plus nombreuse de toutes, celle des vendangeurs.

Nous retiendrons comme type la première des deux propriétés ci-dessus mentionnées : celle de la Communauté. Tous les huit jours, l’homme d’affaires qui séjourne à quelques lieues de distance, dans un petit village aux environs de Montpellier, arrive sur les lieux, fait le « tour du propriétaire, » examine l’état des travaux, critique, donne des ordres, se fait présenter par le paire les feuilles de journée hebdomadaires, les mémoires des