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frôlant les villages de Mauguio et de Candillargues. Au-delà d’Aigues-Mortes, les deux projets se confondaient[1].

On sait que l’influence de la puissante compagnie de Lyon, secondée par les représentans des intérêts de Marseille, l’emporta sur celle de la compagnie du Midi, qui comptait beaucoup de partisans dans les populations du Bas-Languedoc, et fit échouer un projet prêt à se réaliser. Un des principaux argumens qu’on fit valoir, parmi bien d’autres, dans le dessein de battre en brèche l’entreprise proposée par la dernière des deux sociétés, était le suivant. On soutenait qu’en dehors des gares terminus, ou de la ville de Montpellier, déjà suffisamment desservies par le réseau de la Méditerranée, le tracé du Midi ne traversait presque partout que des régions malsaines, stériles, sans avenir commercial et habitées par une population clairsemée. L’objection était juste alors ; elle ne le serait plus aujourd’hui. Une voie ferrée de premier ordre, suivant l’un ou l’autre des deux itinéraires projetés jadis, trouverait aujourd’hui de quoi alimenter largement son trafic local, car elle desservirait la zone où se pressent, à l’heure actuelle, les plus importantes exploitations agricoles du sud-est. Ces immenses vignobles ont été fondés dans le cours de la lutte contre le phylloxéra, à cause des avantages particuliers que présentaient, pour l’agriculture intensive, les marais et les sables, et aussi parce que la crise a provoqué d’assez notables changemens dans l’économie rurale des terroirs où les nouvelles souches ont purement et simplement remplacé les anciens pieds détruits.

Antérieurement à l’invasion, la vigne prospérait dans le département de l’Hérault sur une étendue à peu près égale au tiers de la superficie du territoire (210,000 hectares sur 670,000). Il va sans dire que les vignobles se distribuaient assez inégalement les plaines, les coteaux et les Cévennes, et même un seul canton> celui de la Salvetat-sur-Agout, faisant partie de l’arrondissement de Saint-Pons et du bassin du Tarn, ne produisait pas de vin à raison de l’âpreté de son climat. Vers 1870, l’insecte fit son apparition dans la commune de Lunel-Viel, à trois kilomètres de Lunel, près de la limite orientale de l’arrondissement de Montpellier[2]. Il travailla si bien que, des 210,000 hectares mentionnés plus haut, la moitié avait disparu en 1878. Et cependant, la marche du fléau qui

  1. Au sortir des marécages de la Camargue, le chemin de fer desservait la Tour Saint-Louis, Port-de-Bouc, Martigues, et débouchait dans la ville de Marseille au quartier d’Arenc.
  2. On sait que ce terrible fléau fut observé tout d’abord vers 1866 sur deux points différens : 1° à Pujaut, près Roquemaure (Gard) ; 2° à Saint-Martin-de-Crau, dans la banlieue est de la commune d’Arles (Bouches-du-Rhône).