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anglais pour arrêter définitivement les chiffres des droits spécifiques à inscrire dans les conventions complémentaires. Aux historiens aussi mal inspirés que mal informés qui plaignent la France, livrée pieds et poings liés, dans ces discussions, aux exigences de la perfide Albion, il suffit d’opposer la correspondance privée de Cobden, racontant à ses amis d’Angleterre combien il avait à lutter et quelle résistance il rencontrait chaque fois qu’il demandait une réduction de droits.

Tout cela, dira-t-on peut-être, est de l’histoire ancienne, et il n’y a point d’intérêt à retirer de leur poussière les in-quarto de l’enquête de 1860. Pourquoi, alors, les protectionnistes s’acharnent-ils encore aujourd’hui contre cette enquête ? Ils espèrent discréditer la réforme libérale de 1860 en déshonorant son berceau et démontrer plus facilement, par la critique du premier tarif conventionnel, la nécessité de retourner à leur ancien régime. Cet argument est faux. Jamais enquête ne fut plus complète ni entourée de plus sérieuses garanties. Il se pourrait cependant que, malgré tout, les tarifs aient été mal faits, ainsi que l’affirme M. Méline, et que le ministre du commerce, en l’an 1860, M. Rouher, le conseil supérieur et les délégués aient commis de grosses erreurs que l’honorable M. Méline et les membres distingués de la commission des douanes auraient épargnées à notre patrie, s’ils avaient été là. Comment prouver cela ? Il faut, bien entendu, juger l’œuvre dans son ensemble et consulter les résultats généraux. A-t-on observé que, pendant les années qui ont suivi 1860, sous le coup immédiat des traités, l’agriculture, l’industrie et le commerce aient été, en France, moins prospères ? Nullement. La richesse de la France s’est, au contraire, beaucoup accrue pendant cette période. M. Méline ne le conteste pas. Pour ce qui concerne le commerce extérieur, les chiffres de l’importation et de l’exportation, relevés par lui sur les documens officiels, l’amènent à reconnaître que le total des échanges a considérablement augmenté. Mais, ajoute-t-il, ce n’est point le résultat des traités. S’ils n’ont pas ruiné la France, ils l’ont empêchée de progresser et de s’enrichir autant qu’elle l’aurait fait si l’ancienne législation avait été maintenue. Et cette affirmation très inattendue, qui n’est qu’une hypothèse, s’appuie hardiment sur la statistique. Nous entrons ici dans les brouillards.

En 1849, lisons-nous dans le rapport général, les importations de marchandises étrangères en France étaient de 725 millions de francs. En 1859, à la veille du traité, elles s’élevaient à 1,640 millions ; et en 1869, à 3,153 millions : d’où résulte une augmentation de 915 millions pour la première période décennale (1849-1859), et de 1,513 millions pour la seconde période décennale (1859-1869). D’un autre côté, les exportations de marchandises françaises pour