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y avons rencontré, en outre, un médecin anglais et deux doctoresses : l’une de Zurich, l’autre de Munich, Tenues toutes deux pour s’initier au traitement gymnastique des maladies des femmes. Quelques mois auparavant, un professeur de l’école de médecine de Genève y était venu recueillir, sur le même sujet, les matériaux d’un important ouvrage qu’il va publier. Depuis plus de dix ans, un grand nombre de savans étrangers et surtout d’Allemands viennent chaque année à Stockholm, ne jugeant pas superflu de compléter leur instruction médicale par l’étude de la gymnastique suédoise. Le docteur Profanter, puis le docteur Schultz, professeur de gynécologie à l’Université d’Iéna, ont étudié, dès 1886, le traitement gymnastique des maladies des femmes, et cette méthode a rendu d’immenses services dans leurs pays. C’est par centaines qu’ils comptent aujourd’hui les guérisons d’affections spéciales rebelles à tous les autres moyens de traitement. Et pendant que les Allemands, nos rivaux dans la science comme ailleurs, enregistrent les succès de ces méthodes, nous n’en connaissons en France ni l’application, ni même l’esprit. Le plus souvent, nos maîtres les plus autorisés les condamnent a priori sans en avoir jamais fait l’essai.

Il suffirait, pour dissiper ces préventions, d’un court séjour à Stockholm. Les plus incrédules devraient bien vite s’incliner devant les faits. Et s’ils n’avaient pas le temps de constater par eux-mêmes des résultats probans, leur conviction serait bientôt faite, en présence du témoignage de tous les médecins suédois.

Et quels utiles renseignemens ne rapporteraient pas nos jeunes médecins, après quelques semaines passées à l’école de Stockholm avec des anatomistes comme Retzius et Axel-Key, des chirurgiens comme Rosander, des médecins comme Wising et Brusselius, des ophtalmologistes comme Nordenson, des gynécologistes comme Netzel et Salin ! Ils sont là une pléiade de travailleurs infatigables, dont la droiture et la conscience scientifique n’ont d’égales que leur affabilité et leur courtoisie. Les Suédois professent pour nous la plus cordiale sympathie, et il n’existe aucun pays où les savans français puissent être mieux accueillis que chez eux. Toutefois, il est bien difficile de conserver indéfiniment un constant souvenir à des amis qu’on ne voit jamais, et c’est la conséquence douloureuse à constater de notre aversion pour les longs voyages. Chez ce peuple, de caractère si sympathique au nôtre, dans ce pays si longtemps imprégné de l’esprit français, on peut faire, de jour en jour, cette remarque pénible : que notre influence décroît et que notre langue s’oublie.


FERNAND LAGRANGE.