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excessive qu’on a appelée acrobatisme. Et d’abord leur outillage gymnastique est très simple. Ils n’ont ni les « anneaux, » ni le « trapèze, » ni les « barres parallèles, » ni la « barre fixe, » appareils usités par les acrobates de cirque et engins principaux de la gymnastique française et allemande. Leur outillage consiste dans quelques appareils de suspension : poutre horizontale ou homme, cordes verticales, échelles obliques, et dans une série de barreaux horizontaux, appliqués de haut en bas contre les murs de la salle et qu’on appelle l’espalier. De plus, le rôle de ces engins est tout différent de celui des nôtres. Dans nos gymnases, les divers appareils et agrès sont des engins de suspension, grâce auxquels le corps peut quitter le sol, et être maintenu dans l’espace à la force des poignets. Ces appareils nécessitent une sorte de transposition dans le rôle des membres qui déplacent le corps et forcent l’homme à se mouvoir à l’aide des bras et non plus à l’aide des jambes. De là, une série de « tours de force » qui tendent à donner à l’homme les aptitudes des animaux grimpeurs et du même coup à lui donner quelque chose de la conformation de ces animaux. L’on observe d’une manière très remarquable chez les gymnastes qui ont abusé de ces appareils, chez les gymnastes de cirque, par exemple, un relèvement des épaules avec voussure du dos qui rappelle la conformation du singe debout. Les Suédois ont bien comme nous des appareils de suspension, mais ils les utilisent d’une façon plus naturelle et moins « acrobatique, » par exemple, en associant l’action des jambes à celle des bras, dans l’acte de grimper soit à la corde, soit à la perche. La plupart de leurs exercices sont aussi moins athlétiques que les nôtres, par suite de ce détail qu’ils sont exécutés plus souvent avec les bras allongés qu’avec les bras raccourcis. Enfin, leur méthode n’a pas adopté, parmi les exercices aux appareils, ceux qui demandent l’effort le plus intense des muscles des épaules et des bras ; par exemple, ceux appelés, dans notre système, les « rétablissemens. »

Ces détails, que nous abrégeons pour ne pas rebuter le lecteur par des explications trop techniques, ont une importance suffisante pour faire comprendre l’esprit si caractéristique du système suédois. Ce système prétend mettre la gymnastique à la portée de tout le monde. Il écarte les exercices trop athlétiques et les mouvemens trop difficiles, parce qu’il veut que les faibles et les maladroits puissent profiter des bienfaits de la gymnastique. Nous dirions volontiers que l’esprit du système est démocratique, si on voulait nous permettre de faire passer ce mot dans l’ordre physique avec le même sens qu’il a dans l’ordre social. La gymnastique suédoise, dirions-nous, est « démocratique, » parce que ses exercices sont à la portée de tous. La nôtre, au contraire, comprend