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médecins allemands vont compléter leurs études ; le mérite que nous pourrions être tentés d’attribuer aux Allemands doit donc, en bonne justice, revenir aux Suédois.

C’est à la Suède que nous devons, nous aussi, demander des enseignemens et des exemples, car la Suède est le seul pays où la semence répandue au commencement de ce siècle ait porté réellement des fruits scientifiques. Depuis 1814, date à laquelle Ling créa son vaste système de gymnastique, pas un jour ne s’est passé sans que son œuvre ait subi quelques perfectionnemens. Pendant que l’idée de gymnastique restait à l’état de germe en France et ne donnait naissance, en Allemagne, qu’à un système militaire étroit et borné, elle s’est développée, en Suède, au point de former une branche de la médecine. La méthode suédoise n’est pas restée seulement un admirable système d’éducation physique dont les peuples Scandinaves ont bénéficié, sans interruption, depuis sa fondation : elle est devenue une méthode hygiénique des plus ingénieuses, applicable aux faibles et aux malades aussi bien qu’à l’homme en santé. L’œuvre de Ling a été poursuivie par ses successeurs dans l’esprit même où elle avait été conçue, c’est-à-dire dans un esprit scientifique. L’idée a mûri ; elle a suivi jusqu’au bout son évolution naturelle, et aujourd’hui elle porte ses fruits. Après être restée aux mains d’hommes spéciaux, pédagogues et gymnastes, elle est passée dans le domaine de la médecine, d’abord comme moyen de prévenir les maladies, puis comme remède pour les guérir. Depuis plus de trente ans, de nombreux médecins « gymnastes, » pourvus de leur diplôme de docteur, appliquent, dans des a instituts » publics ou privés, le traitement gymnastique à des malades que nous soignons encore, — sans le moindre succès, du reste, — par l’immobilisation. Le domaine de la gymnastique médicale, qui est, chez nous, très limité, s’étend là-bas à presque toutes les maladies, tant internes qu’externes. Non-seulement les déviations de la colonne vertébrale et les maladies des articulations, mais aussi les affections de la poitrine, du cœur, de l’estomac, les maladies du système nerveux, de l’utérus, et même les maladies de la peau, ont été soignées et guéries par la gymnastique suédoise.

On a peine à comprendre que de pareils progrès aient pu se produire dans les pays Scandinaves sans que la France ait songé à s’y associer, sans même qu’elle en ait eu une notion très nette. Nous avons tous entendu parler de la gymnastique suédoise, mais tort peu de médecins français en connaissent les procédés et en comprennent l’esprit. Cette anomalie peut s’expliquer par le peu d’extension de la langue suédoise, et aussi par notre peu de goût pour les études lointaines. Les médecins suédois, dont la langue