Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/789

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propres œuvres poussé parfois un peu loin le goût des combinaisons inexorablement logiques et la crainte du superflu en matière de décoration ; mais, chez cet artiste profondément convaincu, chez ce croyant s’il en fut à sa religion esthétique, l’Académie avait reconnu, outre un fonds de science solide, une singulière force de volonté, et, tandis que les partis au dehors se passionnaient pour ou contre lui, elle s’était contentée à son égard de se montrer simplement juste.

La mort d’un autre membre de la section d’architecture, et, lui aussi, l’un des plus éminens, M. Duc, suivit de près celle de M. Labrouste. Un peu plus tard, c’était M. Lefuel qui disparaissait à son tour, puis M. Lesueur, l’architecte de l’Hôtel de Ville incendié en 1871 ; enfin, parmi cinq autres membres également enlevés à l’Académie, un des derniers par la date de l’élection, M. André, succombait avant d’avoir eu le temps d’achever ce Muséum d’histoire naturelle à la construction duquel il avait employé près de vingt ans déjà.

A quoi bon, d’ailleurs, poursuivre la nomenclature de deuils encore présens pour la plupart à toutes les mémoires ? Qui ne sait, par exemple, que notre école de peinture a perdu naguère plusieurs de ceux qui l’honoraient le plus, MM. Lehmann, Baudry, Cabanel, Robert-Fleury, et, plus récemment encore, M. Meissonier ; que l’Académie a dû également remplacer, entre autres membres de la section de sculpture, M. Dumont et M. Perraud ; dans la section de composition musicale, MM. Félicien David, Reber et Léo Delibes ; enfin, dans la classe des académiciens libres, le plus brillant des historiens contemporains de l’art, M. Charles Blanc, et l’un des plus savans, M. Albert Lenoir ? Il serait aussi superflu, sans doute, de rappeler ici le nom du baron Taylor, mort en 1879, et dont la vie tour à tour consacrée à la peinture, aux lettres, aux voyages, à l’archéologie, à bien d’autres occupations encore, avait fini par le dévoûment, — et un dévoûment aussi fécond qu’infatigable, — à une tâche unique, sans précédent dans notre pays.

A aucune époque, on le sait, les amateurs d’élite ou les patrons de tous les rangs n’ont fait défaut en France pour les travaux ou les encouragemens à fournir aux artistes. Même sans remonter au-delà du siècle où nous sommes, la liste serait longue de ceux qui, de leur vivant, ont utilement secondé les progrès de notre école ou dont les libéralités posthumes ont enrichi nos collections publiques ; mais quelque appui qu’ils prêtassent à la cause qu’ils avaient embrassée, ces hommes, en réalité, ne la soutenaient que dans un ordre d’idées purement esthétique. Aucun d’eux ne s’était avisé de s’occuper des artistes au point de vue de leurs intérêts