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rentrait sans bruit en possession des privilèges dont on avait prétendu le dépouiller ; peu à peu des articles, qui n’avaient été d’abord que modifiés, arrivaient à être formellement abrogés par des décrets successifs. Bref, au bout de cinq ans, les effets du décret du 14 avril 1855 ne consistaient plus que dans l’adjonction de dix nouveaux membres à ceux dont se composait antérieurement l’Académie des Sciences morales et politiques, et dans la fondation d’un prix de 10,000 francs destiné à récompenser, au nom de l’empereur, « l’ouvrage ou la découverte que les cinq classes auraient jugé le plus propre à honorer ou à servir le pays. » Encore ces deux mesures elles-mêmes n’étaient-elles maintenues qu’à la condition de subir un peu plus tard des réformes assez notables. Les dix membres de l’Académie des Sciences morales et politiques composant la section complémentaire créée en 1855 sous ce titre : « Politique, Administration, Finances, » et nommés directement par l’empereur, devaient, à la suite de la suppression de cette section en 1866, être répartis entre les autres sections de l’Académie. Quant au prix de 10,000 francs, un décret en avait, dès le mois d’août 1859, doublé le chiffre, et un autre décret, rendu l’année suivante, portait que ce prix serait, à partir de 1861, décerné tous les deux ans, à tour de rôle, par chacune des cinq classes de l’Institut, sauf ratification en assemblée générale de ces cinq classes du choix fait au préalable par l’Académie compétente[1].

Au temps où les difficultés dont nous parlions tout à l’heure s’étaient élevées entre l’Académie des Beaux-Arts et le ministre de l’instruction publique, le devoir d’être auprès du pouvoir l’interprète des vœux de la Compagnie et le défenseur de ses droits incombait à un nouveau secrétaire perpétuel. M. Raoul Rochette était mort le 5 juillet 1854 ; avant la fin du même mois, Halévy avait été appelé à le remplacer. C’était, depuis la fondation de l’Institut, la première fois que le secrétaire perpétuel de la classe des Beaux-Arts se trouvait choisi parmi les membres de la classe même : innovation parfaitement légitime, à coup sûr, mais qui pourtant ne devait pas se convertir en règle, puisque, huit ans plus tard, lorsque le successeur de M. Raoul Rochette eut disparu à son tour, ce fut, comme par le passé, à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres que l’Académie des Beaux-Arts emprunta celui à qui elle entendait confier le soin de ses affaires.

Les mérites personnels d’Halévy justifiaient bien d’ailleurs la résolution exceptionnelle prise en sa faveur par ses confrères. Il

  1. Ce prix biennal de 20,000 francs, dont l’Académie des Beaux-Arts a eu pour sa part l’occasion de disposer trois fois jusqu’à présent, a été, avec la sanction de l’Institut, décerné par elle : en 1867, à Félicien David ; en 1877, à M. Chapu ; en 1887, à M. Mercié.