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pairs ? En ce qui concernait l’Académie des Beaux-Arts, comment admettre par exemple que sur quatorze membres composant la section de peinture, quatre seulement, — c’est-à-dire moins que le tiers de cette section, — lussent appelés à se prononcer à l’exclusion des dix autres, par cet unique motif qu’ils auraient été, mieux que ceux-ci, dans les bonnes grâces de l’empereur ou de son ministre ? Et quant aux concours d’essai, quant aux épreuves préparatoires dont le jugement était laissé à l’ensemble des académiciens, n’était-il pas à craindre que le zèle de ces juges en première instance seulement ne se trouvât fort refroidi par la perspective de leur éviction à l’heure des concours définitifs, les prix attachés à ces concours ne devant être donnés que par des fractions de sections, par la moitié pour les unes, par moins que le tiers pour une autre, par un petit nombre de membres pour toutes ?

L’Académie présenta ces graves objections et d’autres tout aussi fortes dans un mémoire destiné à être mis sous les yeux de l’empereur, et dans un entretien direct avec le ministre : entretien au cours duquel M. Fortoul, un peu déconcerté par l’énergie des résistances qu’il rencontrait, jugea prudent de battre en retraite en donnant à ses interlocuteurs, — suivant les termes du procès-verbal dressé par l’un d’eux, — « l’assurance formelle que le décret ne serait pas appliqué à l’Académie des Beaux-Arts en ce qui pourrait la concerner particulièrement. Rien ne sera changé, pour les concours, ajouta-t-il ; ils auront lieu dans la forme actuelle. » C’était au mieux ; toutefois, après que les paroles du ministre eurent été rapportées à l’Académie, un membre fit observer que, quelque confiance qu’elles lui inspirassent, elles ne lui semblaient pas suffisantes pour anéantir un décret existant, et que, tant que ce décret ne serait pas officiellement supprimé, on pouvait craindre de le voir appliquer un jour ou l’autre. De nouvelles démarches furent donc tentées auprès du ministre, qui, serré de plus en plus près, se décida à proposer à l’empereur de modifier immédiatement plusieurs des dispositions édictées. Seulement, au lieu de réaliser ces modifications par un second décret, il se contenta de les formuler, le 23 juin 1855, dans un « Rapport à l’empereur, » indiquant l’interprétation qui serait donnée à différens articles du texte primitif. Les réclamations de l’Institut recevaient ainsi satisfaction ; mais, en réalité, une satisfaction partielle, puisque, quelque atténuée que fût dès lors la rigueur des prescriptions de détail, l’ensemble du décret n’en subsistait pas moins. Restait la ressource pour le gouvernement, tout en maintenant ce décret en principe, de n’user que très momentanément des droits qu’il lui conférait : ce fut là le parti auquel il s’arrêta. Quelques mois s’étaient écoulés à peine, et déjà, pour la tenue de ses assemblées publiques, l’Institut