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d’amers regrets, aux travaux entrepris, aux espérances qu’ils semblaient autoriser ? Le gouvernement révolutionnaire qui s’était installé à Rome se chargea de mettre fin aux perplexités des pensionnaires de l’Académie de France et à celles de M. Alaux, leur directeur. La villa Médicis ayant été jugée particulièrement propre à servir de point de défense militaire, les soldats cosmopolites de la république romaine l’envahirent à ce titre un beau matin. Il fallut bien céder à la force ; mais, grâce aux mesures prises par M. Alaux avec autant de résolution que de prudence, la petite colonie put se réfugier à Florence, où elle vécut pendant deux mois de sa vie studieuse accoutumée. Enfin, le 12 juillet, quelques jours après l’entrée à Rome de l’armée française, le directeur et les pensionnaires reprenaient possession du palais d’où ils s’étaient vus forcés de sortir au commencement du mois de mai, et dont les murs, rendus maintenant à leur destination pacifique, n’en gardaient pas moins les traces de l’occupation qu’ils avaient subie[1].

L’Académie des beaux-arts s’était dès les premiers jours tout naturellement émue des embarras ou des dangers qui pouvaient résulter pour l’Académie de France et pour son personnel des agitations politiques auxquelles Rome se trouvait livrée. Quelque juste confiance qu’elle eût dans le dévouaient et dans la présence d’esprit de M. Alaux, elle était impatiente de recevoir de lui des nouvelles que la suspension des moyens de communication ordinaires entre Rome et Paris rendait de jour en jour plus problématiques. Ce ne fut que par deux dépêches du directeur expédiées de Florence après que les pensionnaires y eurent été installés, qu’elle sut à quoi s’en tenir sur le compte de ceux-ci, en attendant qu’une troisième dépêche écrite au lendemain de leur retour à Rome achevât de lever toutes les incertitudes et de dissiper toutes les craintes.

C’était aussi, sans doute, pour calmer les inquiétudes de l’Académie, mais sur un autre point, qu’un de ses associés étrangers, le savant antiquaire M. Canina, lui écrivait de Rome presque en même temps que le directeur de l’Académie de France. Seulement, M. Alaux n’avait parlé de son intervention dans les événemens qui venaient de se passer que sous la forme d’un simple récit, sans insister sur les services personnels qu’il avait pu rendre ; l’objet principal de la communication de M. Canina, au contraire, semblait être de faire connaître à l’Académie les soins qu’il avait pris,

  1. M. Alaux, à cette époque, remplissait depuis trois ans déjà les fonctions de directeur, auxquelles l’Académie l’avait appelé en 1846, bien qu’il ne lui appartînt pas encore. Il ne fut élu membre de l’Institut qu’en 1851. Voyez, dans la Revue du 15 septembre 1890, l’étude de M. Eugène Guillaume, un Directeur de l’académie de France à Rome.