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grande partie aux droits protecteurs du tarif douanier, est, en général, hors de proportion avec l’augmentation du salaire qu’il est possible de solliciter[1]. » A Kœnigsberg et Dantzig, la farine de blé valait 0 fr. 39 le kilogramme en 1885 ; elle vaut 0 fr. 45 aujourd’hui ; le kilogramme de porc valait 1 fr. 52 en 1885, il vaut aujourd’hui 1 fr. 80.

Les salaires portugais sont inférieurs aux français d’un tiers, voire de moitié, et le prix des subsistances est presque aussi élevé en Portugal qu’en France ; le pain de froment, la viande, le café, sont là-bas aussi chers qu’ici. « L’ouvrier portugais, dit notre ministre à Lisbonne, est extrêmement sobre (comment ne le serait-il pas ? ) ; ses habitudes portent la marque de la simplicité primitive (il le faut bien) ; il ignore presque toutes les sollicitations du bien-être. » Son alimentation se compose surtout de pain de maïs (broa). En effet, il n’a pour se nourrir, à Porto, que 15 sous par jour. Le paysan français n’a, lui aussi, pendant de longs siècles, connu le pain de froment que par ouï-dire. Mais lorsque M. Bihourd ajoute que le climat sous lequel vit le sujet de sa majesté très fidèle « l’affranchit des besoins qui, en Europe, s’imposent à la plupart des travailleurs, » il s’abuse ; ce n’est pas le climat qui restreint ses besoins, c’est l’exiguïté de ses recettes comparées à la cherté des denrées. A l’autre bout de l’Europe, en Norvège, les salaires sont plus élevés qu’en Suède de 25 pour 100 ; cependant la vie est plus chère en Suède qu’en Norvège. Quoiqu’ils vivent côte à côte, et sous le même climat, les ouvriers norvégiens sont, pour ce double motif, beaucoup plus heureux que les suédois.

En Tyrol, où les salaires sont très minces, les vivres sont très coûteux. Toutes les denrées (viandes, laitages, boissons), sauf la farine, sont à plus haut prix qu’à Vienne, où la rémunération est presque du double. « Les ouvriers tyroliens, nous dit-on, ne sont pas mécontens, parce que la base de leur nourriture est la polenta. » C’est à peu près comme si l’on disait d’une famille composée d’une mère et de sept enfans, ne disposant tous ensemble que de 3 francs par jour pour subsister, « qu’elle n’est pas malheureuse parce qu’elle sait se contenter d’eau claire et de pain sec. » En Haute-Autriche, à Steyr, pays métallurgiste, les salaires sont plus forts de 100 pour 100 que ceux de la Basse-Autriche, où domine l’industrie textile ; les dépenses ne sont pourtant que de 30 pour 100 plus élevées dans la première région que dans la seconde. Nulle part, en un mot, le salaire ne se proportionne aux

  1. Rapport sur les conditions du travail, en Allemagne, adressé au ministre des affaires étrangères. Les renseignemens suivans sont puisés aux sources de même nature.