Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/578

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par jour, les orfèvres et les selliers jusqu’à 12 fr. 60 ; et pourtant la moyenne des salaires, dans la capitale du petit royaume de Danemark, n’est guère que de 3 fr. 25 par jour. A Amsterdam, après la découverte des mines de diamans de l’Afrique australe, le nombre des ouvriers disponibles n’étant plus en proportion avec la quantité de matière brute à travailler, les salaires furent en quelques années portés au quadruple de ce qu’ils étaient auparavant ; ils montèrent à 150, à 175 francs par semaine (25 à 30 fr. par jour). Naturellement ils ont diminué depuis.

Tantôt c’est la prospérité ou la crise de l’industrie à laquelle ils sont attachés, le renchérissement ou la baisse de ses produits, dont les ouvriers éprouvent les effets sous forme de grossissement ou d’amincissement de la paie annuelle. En Belgique, le salaire moyen (homme, femme ou enfant) a été, dans les mines, de 869 francs en 1889, soit 54 francs de plus qu’en 1887 et 86 francs de plus qu’en 1886. Le malaise, qui durait depuis plusieurs années, a cessé par la hausse des charbons ; mais la hausse des charbons a fait du mal à d’autres. On se plaint que la rémunération du travail hausse dans une mesure beaucoup moindre que le profit du capital. Certes, mais la rémunération du travail avait aussi baissé beaucoup moins. Les actions d’un de nos plus grands charbonnages, les « deniers » d’Anzin, après avoir valu jusqu’à 1,200,000 francs et avoir donné jusqu’à 40,000 francs de dividende, sont tombés au huitième de ce dernier chiffre, à 5,000 francs de revenu annuel et à 150,000 francs en capital. S’ils valent aujourd’hui 500,000 fr., tant mieux pour leurs anciens propriétaires ; mais ceux qui les ont achetés aux plus hauts cours, il y a seize ans, sont médiocrement enviables.

Parmi tous les moyens d’augmenter les salaires, et c’est en somme ce qu’espèrent les ouvriers par la journée de huit heures, — s’ils savaient d’avance qu’ils visent à les diminuer, ils se dégoûteraient promptement de ce joujou-là, — la participation aux bénéfices est, au premier coup d’œil, un des plus séduisans, et au second, un des moins praticables, à moins de se renfermer dans le rôle qui lui convient d’appoint modeste du salaire. Si le capital ne prêtait pas au travail le secours de son élasticité presque infinie, puisqu’il se trouve bien souvent plusieurs couches, ou de capitalistes téméraires, pour reprendre et recommencer deux ou trois fois de suite une entreprise qui, à chaque essai, avant le succès final, quand on l’obtient, engloutit des millions, ou de capitalistes patiens et tenaces, qui attendent pendant des dizaines d’années le premier centime d’intérêt de l’argent qu’ils ont engagé, les ouvriers se trouveraient la moitié du temps sans ouvrage, parce que les manufactures ne pourraient, ni supporter de pertes, ni supporter même