fera des distributions au sénat et à la chambre des députés de 1891. Nos honorables représentans y puiseront, j’en suis sûr, des idées fort ingénieuses, lesquelles, renouvelées de Charles le Sage ou de Louis le Juste, et accommodées au goût du jour, paraîtront à peine défraîchies.
Ceci n’est pas une plaisanterie ; le but à atteindre, pour nos hommes « avancés, » est bien à peu près le même que poursuivaient les vieux « maîtres et gardes de la marchandise de mercerie, » ou les « jurés-maçons, » qui rédigeaient au moyen âge ces statuts gothiques. Il s’agissait autrefois de garantir la multitude des petits patrons contre la concurrence qu’ils pourraient se faire, de les maintenir tous dans une pauvreté relative, de les garantir aussi de la concurrence de leurs ouvriers, et de garantir enfin ces derniers, dans chaque corporation, contre la concurrence des ouvriers de corporations mitoyennes. Dans ce dessein, les intéressés faisaient passer et repasser sans cesse sur leurs têtes le niveau d’une égalité farouche. Aujourd’hui ce serait la même chose, saut qu’on ne voudrait plus de patrons du tout ; mais les trois quarts des petits patrons de jadis ne valaient pas les contremaîtres de nos jours. Il s’agit donc d’empêcher les ouvriers de s’enrichir, parce que s’ils s’enrichissent, ils deviennent patrons, à tout le moins capitalistes, et que, de capitalistes et de patrons, il n’en faut plus. Le ministre de l’intérieur résumait bien cet état d’esprit quand, défendant il y a quelques semaines à la tribune un ancien ouvrier, devenu millionnaire, il disait à l’extrême gauche : « Vous voulez que l’on favorise les ouvriers pour leur permettre de faire fortune, et quand ils ont fait fortune et qu’ils ont passé patrons, vous les prenez, comme tels, immédiatement en horreur. »
Dans cette voie, la journée de huit heures n’est qu’un premier pas, qui serait suivi de beaucoup d’autres. Eux non plus, les règlemens corporatifs et les procès homériques auxquels ils donnent lieu, qui nous font tant rire au XVIIe ou au XVIIIe siècle, ne s’étaient pas faits en un jour.
Quant aux propriétaires fonciers, qu’il ne faut pas confondre avec la masse des cultivateurs, quoiqu’ils aient eu l’habileté de les entraîner dans leur campagne, quant aux propriétaires fonciers, ils ne demandent pas que l’on comble les ports que nous sommes en train de creuser à grands frais, et de peupler avec peine aussi, par une prime annuelle à la marine marchande ; ils ne demandent pas non plus que l’on intercepte les voies ferrées, qui nous font communiquer avec nos voisins du continent. Ce sont des gens trop sages pour vouloir détruire à plaisir un capital d’une quarantaine de milliards, que l’on vient de dépenser depuis quarante ans, que l’on dépense encore. Seulement, ils exigent de l’État