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qui veut se dégager du cadavre auquel il est lié vivant, Ézéchiel fait écho au cri de malédiction de Jérémie. L’épée de Jéhovah est sortie du fourreau et tirée contre justes et méchans, du nord au sud. Jérusalem se fie en vain à ses prophètes insensés qui l’égarent, chacals glapissant dans les ruines. Si l’on te demande : Pourquoi gémis-tu ? tu répondras : C’est à cause d’un message qui, quand il arrivera[1], tout cœur fondra, toute main défaillira, tout esprit sera abattu, tout genou paralysé. L’épée est aiguisée pour la boucherie et le carnage, fourbie pour le jet de l’éclair ; elle est aiguisée et fourbie pour être remise à l’égorgeur. Et c’est sur mon peuple qu’elle vient, sur les chefs d’Israël. C’est parce que Juda est de la scorie impure que Jéhovah la ramasse tout entière dans Jérusalem, comme dans un creuset, pour la faire fondre au feu de sa colère.

Jérusalem est en cendres : toute la colère d’Ézéchiel tombe : car voici l’heure venue de préparer la patrie de l’avenir. Car Jéhovah n’a pas voulu détruire son troupeau, mais seulement le mauvais pasteur. Les bergers d’Israël se sont repus eux-mêmes, au lieu de paître leurs brebis :

« Vous vous êtes nourris de leur lait, vêtus de leur laine, vous avez égorgé celles qui étaient grasses, et n’avez point fait paître le troupeau.

« Vous n’avez point soutenu celle qui était faible, guéri celle qui était malade, pansé celle qui était blessée, ramené colle qui s’égarait, recherché celle qui était perdue : vous les avez gouvernées avec violence et dureté.

« Et alors elles se sont dispersées faute de berger, et sont devenues la proie de toutes les bêtes fauves… »

C’est pourquoi Jéhovah retire ses brebis de la gueule du mauvais pasteur et il s’occupera de les faire paître lui-même. Il recueillera dans tous les pays le troupeau dispersé au jour d’orage et le ramènera paître sur la colline d’Israël. « Et alors j’établirai sur elles un berger unique qui les fera paître : mon serviteur David. Et moi, Jéhovah, je serai leur dieu, et mon serviteur David sera prince au milieu d’elles. »

Dans l’interrègne royal, le prophète hérite du roi : c’est à lui de refaire l’âme de la nation. Le Seigneur l’a établi comme sentinelle responsable à l’égard de la maison d’Israël : car l’homme qui a reçu la révélation du Seigneur et la garde pour lui-même est aussi coupable que celui qui la viole. « Si je dis au méchant : Tu mourras, et que toi, tu ne l’avertisses pas pour l’éclairer et le détourner de sa voie mauvaise et faire qu’il vive ; lui, le méchant, mourra pour son péché, mais à toi je demanderai compte de son sang. » Car

  1. La nouvelle de la destruction de Jérusalem.