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des deux enseignemens: on se propose de les rendre parallèles et sur la plupart des points équivalons, mais en changeant la durée, le nom et par là même la destination de l’ancien enseignement spécial, qui deviendrait un second enseignement classique, dominé par des humanités purement françaises et rendu symétrique avec l’enseignement des humanités grecques et latines. Ce serait le triomphe de l’uniformité réglementaire : peut-être au détriment de l’enseignement classique proprement dit, qui se trouverait ainsi nivelé avec un enseignement d’ordre inférieur, s’abaissant d’autant que celui-ci se trouverait relevé. L’enseignement spécial actuel n’en souffrirait pas moins sans doute ; car il perdrait ce caractère propre de brièveté d’études et d’application pratique, qui a fait jusqu’ici son succès auprès d’un grand nombre de familles peu fortunées et désireuses de voir leurs enfans aboutir dans un temps plus court que celui des études classiques proprement dites. Je ne sais si le résultat définitif d’une semblable réforme ne serait pas de faire déserter une partie des classes de nos collèges et lycées, au profit des établissemens privés ou congréganistes, qui se prêteraient avec plus de souplesse à la satisfaction de besoins sociaux incontestables, en conduisant les enfans plus rapidement au but pratique auquel ils aspirent.

Malheureusement pour ces conceptions, elles se heurtent à un autre ordre de difficultés, celles qui résultent de la préparation aux écoles scientifiques du gouvernement ; préparation essentiellement mathématique et qui sort à la fois des cadres de l’enseignement classique ancien et de ceux que l’on voudrait donner au nouvel enseignement français. En effet, la préparation aux Écoles polytechnique, de Saint-Cyr, centrale, attire une grande partie de la jeunesse intelligente, laquelle cherche à s’assurer les avantages et la stabilité des fonctions de l’État.

Or, pour les jeunes gens préparés aux concours d’accès de ces grandes écoles, la durée des études nécessaires est trop grande pour qu’ils consentent à s’assujettir à la lente filière des études classiques, sous quelque forme que ce soit. À part une faible minorité, la plupart de ces élèves sont obligés de prendre une voie plus courte ; ils quittent les classes littéraires dès la troisième ou la seconde, pour passer dans les classes de mathématiques dites préparatoires. De là, ils entrent dans les deux classes successives des mathématiques élémentaires et des mathématiques spéciales, affectées à la préparation immédiate aux Écoles polytechnique et de Saint-Cyr. Voici les chiffres officiels des jeunes gens qui suivent cette route abrégée dans les lycées des départemens. Le nombre des élèves entrés l’an dernier en mathématiques élémentaires s’élevait à 1,676, dont 189 avaient fait leur philosophie ; 118 venaient