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conventionnels, que ces erreurs aient causé des dommages particuliers, cela est admissible; mais que l’on attribue à ces tarifs la ruine de l’industrie nationale, ou seulement même une diminution de prospérité, c’est une allégation vraiment audacieuse. Ceux qui aiment la statistique peuvent se reporter aux tableaux de douane et constater le développement très sensible de nos relations commerciales pendant les années qui ont suivi 1860 ; mais que sont les chiffres auprès du témoignage universel de la génération qui a vu la France avant et après cette date ! Est-il besoin de lire les colonnes de l’importation, de l’exportation et du transit, de compter les tonnes de houille, de fer et d’acier, de faire l’inventaire des magasins et des usines, pour se convaincre des progrès accomplis au profit du travail national? Cette discussion sur les conséquences immédiates d’un acte qui remonte à plus de trente ans n’offre plus aujourd’hui qu’un médiocre intérêt. Si les protectionnistes la reprennent, c’est qu’ils espèrent amener plus facilement les esprits au relèvement des droits de douane, en arguant, même contre toute évidence, des prétendus désastres que la réforme de 1860 aurait infligés au pays.

L’historique de la législation douanière depuis 1870 peut se résumer en ces quelques mots : réaction contre l’acte de 1860 et contre la politique économique de l’empire. La présence de M. Thiers à la tête des affaires ne pouvait que favoriser la revanche des protectionnistes. L’illustre homme d’état qui, ministre du gouvernement de juillet en 1834, traitait si durement les tarifs de la restauration, était devenu, dès 1849, l’organe le plus ardent et le plus habile du parti. Son sentiment personnel, en même temps que sa passion politique, le portait à de faire tout ce qui portait la marque du second empire. Sur ce point, la majorité de l’assemblée nationale était avec lui. L’association pour la protection du travail national se reconstituait avec son ancien programme, avec l’appui qu’elle obtenait des personnages les plus influens au ministère et dans le parlement, avec le concours que lui apportait une crise industrielle qui, sévissant par toute l’Europe, ne devait pas épargner la France. La république s’abstint de conclure de nouveaux traités de commerce ; elle laissa tomber quelques-uns de ceux qui arrivaient à leur terme d’expiration ; elle ne prorogea les autres que sous le coup de nécessités politiques ou commerciales, et seulement pour de courtes périodes. Elle voulut enfin avoir son tarif, qui fut le tarif de 1881, voté après une longue discussion, au cours de laquelle on vit, comme sous les régimes précédens, le gouvernement et l’administration aux prises avec les exigences impérieuses du parti protectionniste. Au fond, le nouveau tarif ne différait pas sensiblement du tarif conventionnel, et, si la réforme de