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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février.

Qui donc a pu prétendre qu’après tant de débats irritans, d’acrimonies et de violences, le moment pourrait être venu d’en finir avec les guerres de partis pour s’occuper des vraies et sérieuses affaires de la France ? Qui donc a pu croire que ce serait encore, après tout, la politique la plus sensée, la plus intelligente, la mieux faite pour désintéresser, pour pacifier et rallier l’opinion ?

Eh oui ! on a pu le dire, on a pu le croire et on le croit encore. C’est certainement le vœu, c’est l’intérêt du pays, qui, dans sa naïveté, ne sait pas le plus souvent pourquoi on l’agite, et qui ne demande qu’à vivre tranquille. C’est la pensée persévérante des esprits désintéressés et prévoyans qui sentent bien qu’on ne soumet pas indéfiniment et impunément une grande nation à ce régime des guerres intestines, des dissensions meurtrières ; mais voilà la question ! Ce n’est plus l’affaire des partis, des irréconciliables de tous les partis, qui vivent de l’agitation perpétuelle et de la guerre. Si on s’était fait l’illusion qu’ils se résigneraient facilement à désarmer, l’illusion n’aura pas été longue. A peine les partis extrêmes voient-ils poindre cette idée d’une pacification possible, d’un commencement de trêve, ils se hâtent de reprendre les armes. Ils se remettent à l’œuvre, saisissant toutes les occasions, s’étudiant à envenimer les divisions, à raviver les haines, à multiplier les impossibilités, mettant les passions et les préjugés de secte dans les plus simples affaires, jusque dans la fixation d’un jour de repos dans la semaine. De fait, on en revient plus que jamais à cet état de tension indéfinie où, parmi les maîtres du jour, les violens sont sûrs d’avoir le dernier mot, où les modérés craignent de se compromettre par une concession, et où le gouvernement lui-même hésite à exprimer une opinion, s’il a une opinion. C’est une histoire qui recommence sans cesse ; c’est l’histoire de la peur de