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occasions. Il aime la France, a-t-il dit à Naples, « la France, ce sympathique sourire de la civilisation moderne, » a-t-il ajouté à Florence. A quelles causes convient-il d’attribuer ce retour à un langage moins hostile, sinon plus cordial[1] ? Serait-ce aux embarras financiers et économiques qui agitent le pays et troublent le gouvernement lui-même, ou bien M. Crispi a-t-il dû se convaincre que les souverains, alliés de l’Italie, désirent sincèrement conserver à leurs peuples les bienfaits de la paix, et qu’il serait, en ce moment, superflu et même dangereux de courir les aventures ? La retraite de M. de Bismarck n’a-t-elle pas aussi exercé une influence salutaire sur l’état d’esprit du président du conseil italien ? Toutes ces circonstances ont peut-être contribué à un apaisement qui sera durable, si on le veut loyalement à Rome, en dépit des engagemens que l’Italie a contractés.


VIII

Quels sont ces engagemens, quels avantages en peut-on attendre, quels en sont les charges et les périls ? Par quels argumens enfin a-t-on justifié la participation de l’Italie à la triple alliance ? Nous ne connaissons qu’un seul traité ou plutôt qu’un texte, nous l’avons dit : celui que l’Allemagne a signé avec l’Autriche en 1879. L’Italie y a-t-elle simplement accédé ou bien y a-t-on ajouté des stipulations nouvelles et particulières ? C’est le secret des contractans et nous n’avons pas la prétention de le pénétrer[2]. Restons donc dans l’hypothèse que le gouvernement n’a assumé d’autres obligations que celles qui ont été concertées entre les deux empires à l’origine.

Nous avons raconté dans quelles circonstances l’Allemagne et l’Autriche se sont alliées. Après avoir mutilé la France, l’Allemagne, il faut ici le répéter, avait dépouillé la Russie de la plupart des avantages dus à ses victoires. L’Autriche, de son côté, avait recueilli les bénéfices d’une guerre qu’elle n’avait pas faite, et sans qu’il lui en eût coûté ni un homme, ni un florin, elle avait été mise en possession de l’influence que la cour de Saint-Pétersbourg

  1. Il est toutefois à remarquer que les organes de la presse italienne qui lui sont dévoués n’ont, jusqu’à présent, aucunement atténué ni la vivacité ni la malveillance de leur polémique.
  2. En rapprochant les termes du traité de 1879 de la déclaration que le comte de Munster avait été chargé de notifier éventuellement à M. Goblet à propos de l’affaire de Massaouah, on pourrait peut-être conclure que l’Italie a obtenu des garanties que l’Allemagne n’a pas stipulées avec l’Autriche, au moins en ce qui concerne la France. Voir la note à la page précédente.