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négociations. Notre commissaire tenta vainement d’accomplir sa tâche. Ses efforts se heurtèrent à un parti irrévocablement pris, et il fut, en quelque sorte, éconduit. M. Crispi a prétendu que la conduite du gouvernement italien, en cette affaire, lui avait été imposée par la conviction que la France dissimulait son intention de ne pas renouveler la convention. Sur quelles données cette conviction était-elle fondée ? On ne l’a jamais dit, et l’incident que nous venons de rappeler démontre le contraire. Nous pouvons en invoquer un autre non moins probant. Le 15 décembre 1866, le jour même où le traité était dénoncé par l’Italie, le sénat français, d’accord avec le gouvernement, repoussait une proposition tendant au même résultat et due à l’initiative de l’un de ses membres. M. Crispi a également allégué que le tarif général, suivi bientôt d’un tarif différentiel, promulgués à Rome, avaient l’un et l’autre un caractère purement défensif. Quelle en était cependant la portée ? Ils fermaient notablement le marché italien à nos importations. Lequel des deux gouvernemens a pris, le premier, des dispositions d’une si déplorable rigueur ? « Le tarif différentiel, a dit M. Crispi à la tribune, fut établi par nous seulement en réponse à un tarif analogue mis précédemment à exécution par la France contre les produits italiens. » Le président du conseil italien oublie le tarif général dont le tarif différentiel a seulement aggravé les dispositions. A quelle date le premier de ces deux tarifs a-t-il été inséré au Journal officiel à Rome ? En juillet 1887, six mois avant l’expiration du traité. A quelle date les chambres ont-elles voté, de leur côté, un tarif général ? Est-ce précédemment, comme M. Crispi aurait voulu le faire croire à l’aide d’un artifice de langage ? Ce fut le 15 décembre de la même année, près de six mois après la publication du tarif général italien et quinze jours seulement avant l’échéance stipulée du traité de commerce. C’est donc à Rome qu’on a pris, longtemps à l’avance, l’initiative des mesures prohibitives. La responsabilité de l’étrange situation, faite à deux nations également intéressées à continuer leurs paisibles transactions, incombe exclusivement au gouvernement italien.

M. Crispi a-t-il manifesté des dispositions plus conciliantes en d’autres occasions ? a-t-il témoigné le désir d’entretenir avec la France des rapports politiques d’une parfaite et sincère amitié ? La presse officieuse de Rome et de Turin a prêté au gouvernement de la république les plus ténébreux projets. Elle a dit, et elle répète encore, qu’il médite un coup de force tantôt sur Tripoli, tantôt sur la Spezzia elle-même ; elle a prétendu que nous nous préparions, en Tunisie, à mettre la main sur la Sicile. Elle ne cesse de nous attribuer un dessein qui, pour elle, est plus noir encore ; nous menaçons,