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versée dans le compte général des recettes de l’État, fondateur et propriétaire de la Caisse. Le personnel comprend : un directeur-général, deux sous-directeurs, un caissier-général, quatre chefs de division, dix-neuf chefs de bureau, vingt-cinq sous-chefs, trois cent dix commis, dont vingt principaux, dix agens de comptoir, trente-neuf agens du service intérieur. C’est un personnel fort occupé ; le mouvement des fonds maniés par l’établissement est énorme. Dans l’année 1888, le total des entrées et des sorties a été de près de 5 milliards de francs; l’ensemble des comptes constituant la situation de la Caisse, au 1er janvier 1889, tant pour elle-même que pour les divers services dont elle a la gestion, était de 3,856 millions, comptes d’ordre non compris, et ces chiffres grossissent chaque année.

La multiplicité des opérations est aussi remarquable que l’importance de quelques-unes. Il faut avoir eu l’occasion de porter un regard curieux et attentif dans le dédale des comptes (le bilan contient 81 chapitres) et avoir pénétré le mystère des indications, en nombre infini, destinées à guider le voyageur égaré dans les couloirs du bâtiment de la rue de Lille, pour imaginer toute l’utilité de l’institution et comprendre la grandeur de son rôle dans la vie économique du pays. La Caisse des dépôts et consignations a déjà une longue existence. Née en 1816, elle compte soixante-quatorze ans, ce qui est un âge respectable même pour une administration. Elle est cependant restée toujours peu connue du public, qui ne possède, sur les services qu’elle est apte à rendre et qu’elle rend tous les jours, que les notions les plus vagues, en dehors naturellement du cercle des individus et des associations appelés à recourir à ces services. Comme une personne très sage, vivant dans l’observance de principes rigides, tenue scrupuleusement dès son enfance loin du tumulte des passions et à l’écart de toute aventure, elle n’a connu ni les splendeurs bruyantes et éphémères, ni les catastrophes éclatantes. Elle a suivi, sans s’en écarter d’une ligne, une voie régulièrement et mathématiquement tracée, faisant peu parler d’elle, vouée pour ainsi dire à l’obscurité, à l’incognito.

Naguère encore la Caisse des dépôts et consignations n’apparaissait à l’imagination du vulgaire, d’après les propos tenus çà et là sur son compte par ceux qui avaient eu affaire à elle, que comme une sorte de geôle spéciale pour les capitaux. La légende disait qu’il était assez facile d’y faire entrer une somme d’argent déterminée, mais bien plus difficile de l’en faire sortir. Ce n’était qu’une légende. La vérité est que la Caisse des dépôts est simplement un rouage, un mécanisme, qui absorbe et restitue les capitaux avec une égale facilité, moyennant l’accomplissement des formalités établies.