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que cette affaire fût terminée dans cette Université, persuadé que Messieurs les curateurs le trouveraient bon. »

« Le Sénat aurait mieux aimé n’avoir point eu connaissance de cette cause, ne pouvant voir qu’avec peine que deux savans hommes soient tombés dans de telles contestations, quoique la philosophie dont ils font profession dût leur inspirer des sentimens tout contraires, et de plus, eût préféré que ledit Schoockius n’eût pas écrit ce libelle, et eût laissé vider à messieurs d’Utrecht un démêlé qui les regardait, et où il ne devait prendre aucune part.., et qu’enfin ce n’a pas été jusqu’ici la coutume de notre Université de se mêler des différends d’autrui. Néanmoins, pour tâcher de rétablir la paix et l’union entre les savans, et pour faire droit, sur les plaintes dudit sieur Descartes, vu principalement qu’on ne peut prouver, par de bonnes conséquences tirées de ses écrits, qu’il enseigne les maximes d’une nouvelle secte qu’on lui impute, ni l’athéisme, ni aucun des autres crimes dont il est chargé dans le libelle dudit Schoockius, le sénat académique a prononcé et jugé que ledit sieur Descartes devait se contenter des protestations et déclarations volontaires dudit sieur Schoockius, et acquiescer à la disposition où il est de les confirmer par serment. »

Tel est le texte auquel Cousin fait allusion, en disant que Descartes, ne daignant pas répondre à un écolier, le fit assigner et condamner par-devant un tribunal.

La vente du livre de Schoockius resta permise ; on a peine aujourd’hui à en rencontrer un exemplaire. La lettre de Descartes a été défendue et brûlée; elle se trouve dans toutes les bibliothèques.

Le magistrat d’Utrecht, partageant les sentimens du conseil académique de Groningue, sur la stérilité et le scandale des querelles entre savans, prit à son tour la résolution de les interdire, en défendant très rigoureusement à tous imprimeurs et libraires dans la ville d’Utrecht, d’imprimer ou faire imprimer, de vendre ou faire vendre aucuns libelles ou autres écrits tels qu’ils puissent être, pour ou contre Descartes.

Ces décisions ne mirent pas fin aux disputes. Descartes se brouilla avec Régius, et Voet avec Schoockius. Cela, véritablement, est pour nous sans intérêt.

Voet, en même temps, se trouvait engagé dans une querelle qui dura trente ans, et ne cessa qu’avec sa vie. La question de la confrérie de Bois-le-Duc, dans laquelle Descartes avait pris parti, fut débattue avec chaleur par un théologien, alors fort connu, Marésius, qui répondit à Voet ; Voet répliqua, et la mort seule de Marésius lui laissa le dernier mot. J’ai cherché inutilement les pamphlets