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préparatifs, désespérait encore à la dernière heure de pouvoir faire face partout et se bornait à munir les points qui devaient être le plus probablement attaqués, sans oser répondre que la continuité de ces masses de terre et de bois ne serait pas rompue quelque part, faute d’être assez bien protégée. Mais dans la nuit du 17 au 18, les bataillons autrichiens, si impatiemment attendus, arrivèrent, et tous les vides se trouvèrent comblés. C’était le triste fruit du temps perdu en conversation entre les généraux français et espagnol.

Si difficile que fût d’aborder ce front de bataille, il était trop tard pour reculer. Quelques conseils de prudence furent bien donnés à demi-voix, mais le chevalier refusa de les entendre. Plus l’instant décisif approchait, plus son courage s’exaltait : à plusieurs reprises il avait répété à haute voix pendant les derniers jours, que d’une entreprise de cette nature il fallait sortir mort ou vainqueur ; mais il sentait si bien combien il était pressant d’agir qu’il se décida à tenter l’aventure, sans attendre tous ses convois, dont une partie était encore en route pour le rejoindre. Le 19, à dix heures du matin, toute la troupe était arrivée en face du col de l’Assiète, conservant sa division en trois brigades. Le premier soin du chevalier fut de s’emparer d’un petit môle faisant face au terre-plein principal et dont il débusqua aisément quelques compagnies piémontaises : il y plaça des batteries de campagne pour répondre au feu des redoutes, et ce fut de ce point élevé qu’il donna le signal de l’attaque. Les trois colonnes durent se mettre en mouvement à la fois, celle de gauche, la plus voisine d’Exilles, sous les ordres de M. de Mailly. M. de Villemur commandait celle de droite, obligée par la nature des terrains d’opérer hors de vue et à une certaine distance. Entre les deux, celle du centre, qui dut s’en prendre directement au chapeau, resta confiée au marquis d’Arnault. C’était celle-là qui devait porter plus que toute autre le poids du jour ; de la butte où il resta placé, le chevalier pouvait en suivre tous les mouvemens.

Animés par sa présence, ces braves gens se précipitèrent au cri de « Vive le roi ! » avec un merveilleux élan ; gravissant, sous une pluie de feu, une pente aussi rapide que glissante, ils arrivèrent au pas de course jusqu’au pied du retranchement, et là commandant, officiers et soldats se mirent tous ensemble à l’œuvre pour le démolir, en arrachant du sol les pieux qui formaient les palissades et en détachant les fascines de branches sèches qui leur servaient de ligatures. Ce travail ingrat se poursuivit une heure durant, pendant que les Autrichiens et les Piémontais, invisibles derrière leurs couverts, pouvaient ajuster leur tir à leur loisir sans qu’il fût