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browniste, novateur en théologie, athée, sophiste et jésuite.

Descartes a dit : « Voet a publié volume sur volume, mais dans un style si barbare que personne, ne pouvant le lire sans dégoût, n’examine s’ils sont bons ou mauvais ! » Voet aurait pu, et nous pouvons plus facilement encore, opposer à ces condamnations des louanges non moins nombreuses accordées par de bons juges.

La célèbre, on disait alors l’illustre Anna Schurmann, a écrit en parlant de Voet, qu’elle connaissait bien : Virum cum paucis comparandum, solidœ eruditionis. Un de ses collègues d’Utrecht, Jean Wipart, a comparé Voet à un nouvel Hercule qui nettoie les écuries d’Augias, attaquant tous les vices et sachant les vaincre.

« Rien, a dit Vossius, n’arrête son zèle ; il ne marche pas vers le but, il y court : Quidquid vult, ita vehementer vult ut non eat, sed carrat. »

Un autre théologien, son collègue Cunæus, a loué sa science étendue et variée, sa probité, sa piété et son zèle toujours prêt contre toute atteinte aux bonnes mœurs.

Un historien moderne très estimé, Hagenbach, dans son Histoire du Protestantisme accorde une page à Voétius : « Ses paroles, ses décisions et ses leçons étaient acceptées presque sans discussion, comme règles de la vérité et oracles sans appel. »

Le zèle infatigable de Voet qui, dans sa jeunesse, lui inspirait un sermon tous les jours, lui dictait, quand il devint professeur, des thèses innombrables pour l’instruction et l’exercice de ses élèves. Les Disputationes de Voet forment cinq volumes de 1,200 pages chacun environ ; leur nombre approche de quatre cents, exactement trois cent quatre-vingt-cinq. Les sujets, très variés, se succèdent sans aucun ordre. Ce n’est pas, quoi qu’en dise Descartes, la forme qui rebute, c’est le fond. Ses questions, aujourd’hui, nous intéressent peu. Quatre dissertations sont consacrées à l’athéisme. On les a souvent citées et rarement lues, car elles ne justifient nullement les accusations souvent répétées contre l’auteur. Voet, suivant ses accusateurs, aurait eu la mauvaise foi d’accuser Descartes d’athéisme, et, en le rapprochant de Vanini, brûlé vingt ans avant à Toulouse, de le désigner ainsi pour le dernier supplice. C’est par là qu’on l’a rendu tristement célèbre.

L’accusation est ridicule.

L’étude de Voet sur l’athéisme semble le commentaire et le développement des Questions rares et curieuses de Mersenne, qui signalait l’athéisme quinze ou vingt ans avant Voet comme la grande hérésie du siècle, et n’évaluait pas le nombre des athées, dans la ville de Paris, à moins de 50,000.