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DE
PARIS AU TONKIN
PAR TERRE


I. — DE PARIS A LA FRONTIÈRE DE CHINE.


Mai 1889.

Lorsque mon père me demanda si je voulais partir pour l’Asie centrale avec M. Bonvalot, je n’eus pas d’hésitation ; j’ai toujours eu pour l’ancien continent une sorte d’amour filial ; il me semble qu’il a droit à une vénération, à un respect, que ne peuvent réclamer ni l’Afrique ni l’Amérique. — C’est notre mère à tous, la vieille Asie, elle qui a vu sortir de ses flancs Iran et Touran, elle qui a donné le jour aux créateurs de religions, elle qui est le berceau de toute croyance, de toute civilisation, de toute grandeur. C’est en Asie qu’il faut chercher l’origine, comme la solution des grands problèmes de l’histoire du monde. Et pourtant c’est peut-être le continent le moins connu ; ses hauts plateaux sont laissés en blanc sur les cartes les plus récentes, les sources de ses fleuves restent ignorées, ses races ont été imparfaitement étudiées, ses sanctuaires n’ont pas été visités.

L’inconnu exerçait un attrait de plus sur mon imagination, et pour tenter de briser les barrières que la nature et les hommes ont mises à l’entrée de ces contrées, j’allais marcher aux côtés de Bonvalot ; je ne le connaissais pas, mais j’avais la plus profonde admiration, la plus sincère estime pour le Français qui avait eu assez