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contre un certain M. de Latour, puis insensiblement pour lui-même. Tout ce que Mme de Champnollin devait refuser de M. de Latour, et surtout lui refuser, devient possible et permis avec M. de Briche. Comme bien vous pensez, la jeune femme entend à demi-mot la leçon; elle invite son garde du corps à dîner en tête-à-tête, à la mener au théâtre en loge grillée. Mais, au dernier moment, elle se dérobe et prend le train du soir pour aller rejoindre son mari, ne laissant sur la table qu’un billet moqueur avec lequel de Briche allume philosophiquement son cigare. Le sermon a profité, quoique le curé ne fût plus tout jeune, peut-être parce qu’il ne l’était plus.

Ce badinage, qui n’est ni sans agrément, ni sans esprit, a réussi. Mme Barretta et M. Febvre le disent fort bien. M. Febvre le joue mieux encore. Il est charmant dans la scène muette, un peu longue, mais, grâce à lui, très plaisante, qui termine la pièce, et Mlle Ludwig, la soubrette, lui donne là quelques silencieuses mais spirituelles répliques.

« Et Tartufe? » Eh bien! un grand comédien de plus vient de s’y essayer et d’y échouer à demi. A demi seulement, car si l’illustre doyen de la Comédie-Française a donné au personnage les allures plus qu’équivoques, je dirais, si j’osais, un peu répugnantes, d’un vieux sacristain libidineux, il a dit le rôle avec une largeur singulière, même pour lui. Cette ampleur, cette puissance, cette clarté de diction, n’ont que trop manqué aux autres interprètes du chef-d’œuvre, du moins à plusieurs d’entre eux, qui ne sont ni Mlle Reichenberg, ni M. Silvain, ni même Mlle Marsy, ni surtout M. Coquelin, exquis dans le petit rôle de Loyal.


CAMILLE BELLAIGUE.