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LA
JEUNESSE DE LA FAYETTE

PREMIERE PARTIE

Il eût manqué quelque chose à la haute société du XVIIIe siècle, on ne connaîtrait pas les conséquences logiques de ses lectures et de son éducation d’esprit; on ne saurait pas davantage jusqu’où pouvaient aller, dans le milieu aristocratique le plus élevé, chez les jeunes nobles qui vivaient le plus près du trône, la liberté de la pensée, la hardiesse du jugement, le détachement des vanités du rang, si le marquis de La Fayette n’eût pas existé.

Si leur instruction politique eût été faite, si leur libéralisme n’eût pas été dans leur imagination et dans leur cœur plus que dans leur raison, un certain nombre de grands seigneurs, la minorité, nous le reconnaissons, aurait pu, avec l’aide des circonstances, constituer en France une chambre des lords. Mais le pays n’était pas préparé à les comprendre. Ce rêve devait donc s’évanouir bien vite, aux premiers rayons du soleil de la révolution. Les hobereaux de province, si peu éclairés, devaient, de leurs propres mains, détruire tout projet d’imitation de la constitution anglaise. On peut même affirmer que c’est l’idée qui leur a été la plus antipathique; et de tous les hommes de 1789, les premiers qu’ils ont poursuivis de leurs sarcasmes et de leurs haines ont été ceux qui voulaient essayer d’acclimater dans notre nation les institutions