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pour les magistrats, une pièce d’attente pour les accusés, une salle de confrontation. Au premier étage seraient installés les laboratoires avec toutes leurs annexes ; il y aurait une salle de cours, une bibliothèque, un dépôt d’archives et un musée médico-légal.

Comme on le voit, ce projet donne à la fois pleine satisfaction à la justice, à la science et au public. Il n’y aurait plus rien dans l’institut médico-légal qui rappelât ce honteux hangar de la Morgue où la promiscuité des vivans n’est pas plus tolérable que celle des morts.

Le projet tout récent de M. Alpy qu’il n’a d’ailleurs déposé, croyons-nous, qu’après s’être assuré l’appui de M. Brouardel, est plus modeste. C’est même par là qu’il a le plus de chances d’aboutir.

En demandant la création d’un institut médico-légal, l’honorable conseiller municipal paraît songer avant tout à la séparation ostensible et palpable des deux services actuellement réunis de la Morgue et de la médecine légale. Ses considérans seraient à citer en entier, parce qu’ils résument ce qu’on a dit de plus net, de plus simple et de plus sensé sur la question des réformes de la Morgue. Après avoir montré que les bâtimens actuels peuvent être conservés, mais ne sauraient être agrandis, enserrés qu’ils sont entre la Seine et la rue, M. Alpy se félicite à certains points de vue de l’échec des divers projets déposés par l’administration en 1881 et 1883, parce que ces projets entraînaient le transfèrement en bloc des deux services qu’il désire voir séparer.

« La première condition, dit-il, que doit remplir à l’heure présente un projet d’institut médico-légal est en effet de donner satisfaction à une réclamation très légitime, maintes fois formulée dans ces dernières années par l’opinion publique, et dont il ne nous paraît pas permis de ne pas tenir compte.

« On sait quelle répugnance instinctive et invincible manifestent les familles des malheureuses victimes d’un crime chaque fois que le juge d’instruction, jugeant, dans son appréciation souveraine, une autopsie nécessaire, se voit obligé de faire transporter le cadavre dans ce lieu frappé de la réprobation populaire qu’on appelle la Morgue.

« Or ce fait est des plus fréquens ; on peut même dire qu’il est la règle générale dans tous les cas d’attentats contre les personnes. Il est rare, en effet, que l’on puisse commodément pratiquer dans l’appartement même de la victime, surtout lorsqu’on se trouve dans un milieu pauvre ou même simplement aisé, une opération comme celle de l’autopsie, avec toutes les complications qui résultent aujourd’hui des progrès de la science. Force est donc, le plus souvent, au magistrat instructeur, dans l’intérêt supérieur