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1879 pour étudier les réformes reconnues nécessaires et notamment un système de conservation des cadavres.

Tous les essais faits jusqu’alors, irrigation continue, momification par l’air chaud, n’avaient donné que de mauvais résultats. D’autre part, on ne pouvait songer à employer les moyens chimiques qui réussissent si bien dans les amphithéâtres d’anatomie et qui font pénétrer dans le corps des substances étrangères de nature à rendre vaine toute recherche toxicologique ultérieure. De plus, leur introduction ne peut se faire utilement que par injection dans les gros vaisseaux du cœur, ce qui exige l’ouverture du thorax au niveau de cet organe et par conséquent une véritable mutilation au point de vue médico-légal. Après des études multipliées, M. Brouardel préconisa l’emploi de l’air froid et sec comme le seul moyen répondant au but. « Les agens physiques, disait-il, ne créent pas d’actions chimiques ; ils les arrêtent. » Le principe fut adopté d’emblée par la commission, mais il restait à en trouver la réalisation pratique.

Les expériences avaient établi que, pour se rendre absolument maître d’un cadavre déjà putréfié (et le tiers des corps reçus à la Morgue est dans cet état), il fallait pouvoir disposer d’une température de 15 à 20 degrés au-dessous de zéro, de manière à tuer d’un seul coup les germes putrides ; on savait d’ailleurs qu’une fois la congélation totale obtenue, il suffisait d’empêcher le dégel du cadavre pour le conserver indéfiniment. Conclusion pratique : il fallait avoir d’une part de petites chambres à congélation donnant — 15 au minimum, d’autre part, un local dont la température fût inférieure à 0° et qui fût d’ailleurs assez vaste pour recevoir tous les cadavres déjà congelés ou arrivés au dépôt dans un état de conservation suffisant. Ces conditions paraissaient d’autant plus difficiles à remplir que tout appareil à courans d’air froid était condamné d’avance; en effet lorsque l’air se renouvelle rapidement autour d’un cadavre même congelé, la peau brunit, se parcheminé, et en fin de compte le sujet se momifie; de plus, on devait se servir, sans modifications trop radicales, des locaux actuels de la Morgue et par conséquent refroidir au-dessous de 0° une salle de 500 mètres cubes de capacité; enfin, le sol de fondation de l’édifice était trop menacé pour supporter la surcharge d’un appareil un peu pesant.

Un programme aussi complexe ne découragea pas les constructeurs : dix projets furent présentés. Trois surtout fixèrent l’attention de la commission. Le premier, celui de M. Tellier, basé sur la vaporisation de l’éther méthylique, avait déjà fait ses preuves sur le navire-glacière le Frigorifique; le second, dû à MM. Giffard et Berger, avait été également expérimenté en grand dans une