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LA
MORGUE DE PARIS

La Morgue est l’un des établissemens de Paris qui ont le privilège d’exciter le plus vivement la curiosité du public. A l’attraction qu’exerce le spectacle de la mort se mêle l’intérêt du drame : qu’il s’agisse d’un suicidé, d’un individu mort subitement dans la rue ou d’un assassiné, tous ces cadavres exposés ont une histoire presque toujours dramatique, souvent bruyante et dont le dernier mot a bien des chances de rester mystérieux. La foule, qui s’écrase à certains jours devant les vitrines de la salle d’exposition, n’y vient chercher que des émotions violentes; ce n’est pour elle qu’un spectacle à sensation, permanent et gratuit, dont l’affiche change tous les jours. La triste maison est pourtant autre chose : c’est l’un des organes indispensables de la grande ville, l’un des plus intéressans ; mais, il faut aussi l’avouer, l’un des plus lugubres. On n’aime pas à y penser, encore moins à en parler. A part les belles études de M. Maxime du Camp[1], parues ici même il y a une quinzaine d’années, mais depuis lesquelles la maison a bien changé ; à part le tout petit opuscule aujourd’hui presque introuvable de Firmin-Maillard[2] et le gros livre de M. Guillot[3] ; à part, bien entendu, des travaux purement scientifiques dont il ne saurait être question ici, la Morgue n’a pas, en général, très heureusement

  1. Paris et ses organes, 1875.
  2. Recherches historiques et critiques sur la Morgue, 1860.
  3. Paris qui souffre, 1887.