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grands noms du dieu Vichnou, disant : « Gloire à Kesava, à Narayana, à Madhava, à Godinva, etc. »

Le second acte est l’exercice ou discipline de la respiration (Prajayama). On y distingue trois opérations : 1° le fidèle comprime sa narine droite avec le pouce et chasse son haleine à travers l’autre ; 2° il aspire à travers la narine gauche, puis, comprimant celle-ci, respire à travers la narine droite ; 3° il se bouche complètement le nez avec l’index et le pouce et aussi longtemps qu’il le peut retient sa respiration.

Tous ces actes doivent précéder le lever du soleil et préparent le fidèle à ce qui va suivre. Debout, au bord de l’eau, immobile, solennellement il la prononce, la fameuse syllabe AUM, dont la longueur doit égaler celle de trois voyelles. Elle lui rappelle les trois personnes de la trinité hindoue, Brahma qui crée, Vichnou qui conserve, Siva qui détruit. Plus noble que toute parole, impérissable, dit Manou, elle est éternelle comme Brahma lui-même. Elle n’est pas un signe, mais un être, une force, une force qui contraint les dieux, supérieure à eux, l’essence même de toutes choses. Mystérieuses opérations de l’esprit, étranges associations d’idées d’où peuvent sortir de semblables conceptions...

Ayant prononcé l’antique et redoutable syllabe, l’homme appelle par leurs noms les trois mondes : la terre, l’air, le ciel et les quatre cieux supérieurs. Il se tourne alors vers l’orient et répète les vers du Rig-Véda : « Méditons sur la gloire splendide du vivificateur divin, qu’il éclaire nos intelligences. » En prononçant ces derniers mots, il prend de l’eau dans la paume de sa main et la verse sur le sommet de son crâne. « Eaux, dit-il, donnez-moi la vigueur et la force, afin que je me réjouisse. — Comme des mères aimantes, bénissez-nous, pénétrez-nous de votre essence sacrée. — Nous venons nous laver de la souillure du péché : faites-nous féconds et prospères. » Suivent d’autres ablutions, d’autres mantras, des vers du Rig-Véda, et cet hymne qui chante l’origine des choses : « De la chaleur brûlante sortirent tous les êtres, oui, l’ordre entier de cet univers : la Nuit, l’Océan qui palpite, et, après l’Océan qui palpite, le Temps, qui sépare la Lumière de la Nuit. Tous les mortels sont ses sujets. C’est lui qui dispose de tout et qui a fait l’un après l’autre le soleil, la lune, le ciel, la terre, l’air moyen. » Cet hymne, dit Manou, répété trois fois, efface les péchés les plus graves.


Vers ce moment, derrière les sables qui bordent l’autre rive du Gange, le soleil surgit. Aussitôt qu’émerge le disque éblouissant, la foule l’acclame et le salue par « l’offrande de l’eau. » On la lance