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de M. Parnell lui-même, et un de ses amis d’hier, un dissident d’aujourd’hui, sir John Pope Hennessy. Jusqu’au dernier moment, M. Parnell s’est flatté d’enlever le succès pour son candidat, et il ne s’est fait faute de signaler comme un traître, comme un faux patriote M. Hennessy, qu’il présentait naguère comme un fidèle Irlandais. Au jour du scrutin, cependant, M. Hennessy a eu une immense majorité! c’est évidemment la preuve du déclin de la popularité du « roi non couronné. » Cette crise, ces divisions fomentées et envenimées par M. Parnell dans un intérêt personnel, n’ont pas moins pour résultat de compromettre la cause irlandaise en Angleterre auprès d’une partie des libéraux eux-mêmes, des amis de M. Gladstone. Elles ont ruiné peut-être pour longtemps la politique du home-rule; elles ont tout au moins suspendu un mouvement d’opinion favorable qui allait en grandissant, et rien ne le prouve mieux que la récente élection de Bassettlaw, dans le Nottinghamshire, où les libéraux croyaient pouvoir compter sur un succès qu’ils n’ont pas eu. De sorte que, pour ses passions, pour sa vanité, M. Parnell compromet son pays en le divisant, en le troublant et en refroidissant l’opinion anglaise, déjà à demi gagnée aux revendications irlandaises. Et maintenant comment tout cela tournera-t-il ? C’était évidemment ce que le ministère conservateur pouvait désirer de mieux pour son intérêt, pour sa sûreté. Il peut suivre tranquillement, non sans une certaine ironie, cette malheureuse crise où il est obligé d’intervenir par sa police pour séparer des combattans. Ses ennemis font ses affaires et le fortifient provisoirement par leurs divisions.

Il n’aurait rien à craindre pour sa situation parlementaire, ni peut-être même pour les élections qui viendront bientôt, si, d’ici là, tous ces incidens ne pouvaient avoir leur contre-coup dans les combinaisons des partis et déterminer d’autres scissions ou d’autres évolutions. Déjà, en effet, un des alliés du ministère, un des principaux unionistes, M. Chamberlain, a laissé entrevoir la pensée de rapprocher dans un parti nouveau une fraction des conservateurs, les libéraux dissidens qui ont soutenu le ministère, et une partie de l’armée de M. Gladstone, que les derniers événemens détachent un peu de la cause irlandaise. Ce n’est qu’une coalition de plus, dira-t-on; oui, sans doute, comme la majorité ministérielle elle-même est une coalition, comme la majorité qui soutiendrait les libéraux, s’ils revenaient au pouvoir, ne serait qu’une coalition. Cela prouve une incertitude universelle, d’où l’imprévu peut toujours sortir.

Et au-delà des Alpes, les affaires parlementaires de l’Italie ne sont pas non plus sans avoir eu leur épreuve avant que l’année ait fini. Elles ont eu d’abord la crise des élections, le mois dernier ; elles ont aujourd’hui à s’éclaircir et à se préciser dans le nouveau parlement, que le roi Humbert a inauguré, sans se compromettre par son discours.