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REVUE LITTERAIRE

LA CRITIQUE IMPRESSIONNISTE.

Lorsque l’on fait soi-même profession ou métier de critique, s’il est toujours facile, — et tentant quelquefois, — d’opposer son opinion à celle de ses confrères, de louer le roman qu’ils condamnent, de blâmer l’écrivain qu’ils admirent, il l’est déjà moins de se donner les airs de les juger eux-mêmes, et d’affecter ainsi sur eux je ne sais quelle espèce de supériorité. Cela sent, comme l’on dit, son pédant de collège. Mais ce qui est bien plus difficile encore, ce que l’on craint à bon droit qui ne paraisse un peu outrecuidant, c’est de leur reprocher qu’ils entendent mal leur science ou leur art, parce qu’ils l’entendent autrement que nous; c’est d’oser le leur dire; et c’est enfin de prétendre que leur manière de penser se soumette ou se convertisse à la nôtre... Il y faut cependant venir: d’abord, pour ne pas être dupe, — ce qui est la chose du monde qu’on nous pardonne le moins, dans ce siècle d’américanisme; — et puis parce que, dans ces sortes de querelles, comme j’espère qu’on le verra tout à l’heure, les questions de personnes recouvrent des questions de principes. Née avant nous, et destinée sans doute à nous survivre, il y a longtemps qu’en effet la critique serait morte, si elle n’avait un objet, un rôle, une fonction, extérieurs ou supérieurs à l’idée que s’en font M. Anatole France, M. Jules Lemaître, M. Paul Desjardins, quelques autres encore que je pourrais citer; — et moi-même.

Ai-je besoin de dire ici que je fais le plus grand cas de M. Anatole