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introduire de plus en plus la politique dans les collèges. On ne les a pas fondés pour répandre les connaissances utiles ou inutiles et pour faire des curieux; la vraie destination de l’enseignement secondaire est de faire de bons royalistes et de prêcher les bonnes et saines opinions. « L’empire est fait; nous avons ce que nous voulions obtenir. L’école devrait maintenant diriger la jeunesse et lui faire comprendre que la nouvelle forme existante de l’état est là pour être conservée. A cet égard, on n’a rien fait, et bien que l’empire n’existe que depuis peu de temps, certaines tendances centrifuges se sont développées. » Ce n’est pas seulement la politique que le jeune empereur veut naturaliser dans les gymnases, c’est l’étude de la question sociale. « Si l’école avait fait ce qu’on est en droit d’attendre d’elle, elle aurait dû avant tout engager elle-même le duel avec la démocratie sociale. Le corps enseignant tout entier aurait dû attaquer sérieusement la question, et instruire la génération naissante de telle façon que les jeunes gens de mon âge seraient déjà les instrumens avec lesquels j’aurais pu travailler dans l’état, afin de me rendre plus vite maître du mouvement. » Et il s’en prend aux philologues, « qui ont siégé en beati possidentes dans les gymnases, et qui ont principalement porté leur attention sur la matière de l’enseignement, sur la question d’apprendre et de savoir, mais non sur la formation du caractère et sur les besoins de la vie présente. »

Qu’est-ce qu’un jeune homme qui a le caractère formé ? C’est un adolescent qui a toutes les bonnes opinions. Qu’est-ce que les besoins de la vie présente? C’est tout ce qui est nécessaire au maintien de l’empire allemand. A quoi bon raconter à vos élèves l’histoire des Gracques si vous n’en prenez occasion de leur inspirer l’horreur et de la démocratie sociale et des tendances centrifuges ? Enseignez-leur surtout que leur souverain est le seul juge impartial et éclairé de ce qui convient à son peuple, et préparez-lui des instrumens avec lesquels il puisse travailler. A quoi peuvent servir des jeunes gens qui non-seulement sont myopes et portent des lunettes, mais qui n’ont aucune opinion faite sur la meilleure méthode à suivre pour combattre la démagogie? Laissez là le discours latin, et apprenez-leur à régler toujours leur montre sur la grande horloge qui seule connaît et marque l’heure vraie, et qui la sonne à si grand bruit que sa voix d’airain se fait entendre jusque dans les vallons les plus reculés des Alpes bavaroises.

Guillaume II reproche aux professeurs des gymnases d’enseigner à la jeunesse trop de choses inutiles, au détriment de la seule qui soit vraiment nécessaire; il leur reproche aussi d’avoir trop d’élèves. Il y a surcharge dans les programmes; il demande qu’on les allège; les élèves sont trop nombreux, il y a de l’encombrement dans les collèges classiques et par suite ce qu’il appelle « une surproduction de gens